Troisième film de Jeff Nichols que je vois - et quel film !
On y rencontre trois frères légèrement paumés, répondant aux doux noms de Son, Kid et Boy (en revanche, leur chien s'appelle Henry- ce détail m'a fait sourire dès le début), qui vivent chichement, squattant la baraque de l'un d'eux (l'immense Michael Shannon), avec la tranquillité d'esprit de ceux qui aimeraient vivre mieux mais apprécient de se la couler douce sans grosse contrainte.
La mort de leur père - qui les abandonnés très tôt, et livrés à une mère aussi muette que "haineuse" - va venir rebattre les cartes et remettre sur leur route leurs demi-frères, des agriculteurs au sang chaud, prêts à en découdre avec cette fratrie mal-aimée. Tous ont été élevés dans la colère et la méfiance de l'autre partie de la famille et ce conditionnement de départ installe une tension terrible entre les personnages.
J'ai beaucoup aimé le traitement sobre et bucolique de cette histoire (les longs plans de paysages, pris à divers moments de la journée m'ont vraiment beaucoup plu), j'ai retrouvé la tension que sait si bien installer Nichols (et qu'on retrouve si bien dans le fabuleux Take Shelter), tension qui tient à pas grand chose, au réalisme pudique des échanges, à l'authenticité des acteurs, au jeu grandiose de colère retenue de Michael Shannon, à la bande-son sourde et menaçante, aux changement de luminosité..
J'ai trouvé la scène de fin de ce drame familial vraiment très touchante : Nichols n'en fait jamais des tonnes, il sait faire preuve d'une grande subtilité dans la communication des émotions, dans l'élaboration du suspense : pour toutes ces raisons, Shotgun stories est une oeuvre maîtrisée de bout en bout.