Un doigt d'auteur aux films d'actions


  • Lâche ton arme Pablo !

  • Vete a la mierda !!!!

  • Non mais dis donc Pablo, c'est quoi cette vulgarité, tu te crois dans un porno mexicain ? Tu peux pas dire ça.


A ce moment bien sûr, Jeanine ignore complètement ce dont Pablo est capable. Et forcément, elle ne se doute pas une seconde de ce que ce bon vieux Pablo, affublé de sa dégaine de célibataire endurci, complet marcel gras et caleçon, cache dans les murs de sa maison sans âme. Heureusement Pablo vise aussi bien qu'il est galant. Jeanine restera en vie et c'est tant mieux parce qu'on a envie d'en savoir un peu plus sur ce qui l'attend.


La suite, c'est une introduction véritablement prenante pour le 3ème film estampillé américain de Denis Villeneuve. Au lieu de s'attarder sur les "surprises" emmurées dans la maison de Pablo, le réalisateur de Prisoners filme la stupeur communicative et le dégoût ressenti par les membres de cette équipe tactique anti-kidnapping du FBI. Choix judicieux qui laisse notre esprit s'imaginer bien plus que la simple vision d'horreur à laquelle ils sont confrontés. Et alors qu'on essaie vainement de se faire une idée des effluves de chaires putrides qui leur chatouillent les narines, on plonge à pieds joints dans une intrigue qui ne nous laisse que peu de répits.
Un des avantages de Sicario, c'est sa capacité à garder le flou sur l'ensemble des raisons qui font avancer l'action. En plaçant la convaincante Emilie Blunt en position d'inconnue guidée par son envie idéaliste de "plus jamais ça", il nous donne au compte-goutte, par l'intermédiaire de Josh Brolin, les informations dont nous avons besoin pour rester alerte, informations qui se confondent avec ce dont notre "héroïne" (entre guillemets pour une raison qui nous sera elle aussi donnée durant le visionnage) a besoin pour continuer d'avancer et d'y croire. Et à mesure que le brouillard se lève sur les agissements opaques et légalement contestables de cette équipe de choc, on découvre une réalité brute et froide où les règles ne semblent plus venir à bout de ceux qui n'en ont aucune.
Le déjà vu "combattre le mal par le mal", en déplaçant perpétuellement la frontière entre les deux, sous les yeux de notre "héroïne"/porte d'entrée dans cette opération. Ainsi, malgré quelques petites facilités scénaristiques qu'on pardonnera et quelques choix dispensables (les apartés avec le policier mexicain et son fils, la scène dans le tunnel qui semble être restée au brouillon), le récit permet d'étoffer les personnages et leurs convictions ou leurs motivations jusqu'à un dénouement véritablement prenant ou s'entremêlent les objectifs de chacun au dépend d'un véritable respect des lois.
Quand à la partie "tension", il est une scène sur laquelle on ne peut que revenir, c'est ce formidable aller-retour Etats-Unis - Mexique en 4x4 formation serrée. Non seulement, il s'agit de la première plongée de la jeune recrue Kate Mercer dans un monde dont elle ignore tout (et par la même occasion, la notre) mais techniquement, cette découverte froide et morbide associée au rythme effréné de la séquence à ciel ouvert et à la façon dont chacun est aux aguets suffit à nous captiver. Et, même si on est prévenu du moment de l'attaque, on pense constamment au piège, à la fausse piste scénaristique. Mais non, Denis Villeneuve et Taylor Sheridan jouent franc-jeu. La menace devient visible au moment prévu sans que la nervosité ambiante en pâtisse. L'attente prend le relais. L'immobilité découvre les cibles et on touche véritablement un sommet de tension jusqu'au dénouement certes prévisibles mais terriblement efficace.


Au final, Sicario balance entre le film policier qui s'essaie et le film d'action banal. Jusqu'à son dénouement, il nous tient en haleine principalement grâce à ses personnages, aux raisons de cette opération et à l'ensemble des zones d'ombres qui s'estompent progressivement pour dresser un tableau pessimiste sur les moyens à mettre en place pour véritablement réussir à changer les choses avec un seul constat : "Les héros, ça n'existent pas".



Si vous pensez avoir dépassé les limites, ne vous en faites pas, il n'en est rien, elles ont bougé.


RicowRay
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le 15 janv. 2018

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