Un chef-d'œuvre, à cheval entre le cinéma de genre et le cinéma d'avant-garde. Le film est d'une modernité stupéfiante et on comprend l'influence qu'il a pu avoir sur des cinéastes aussi divers qu'Argento, Scorsese, Nicolas Winding Refn ou Quentin Tarantino. La copie proposée en Blu-ray par studio Canal est superbe. Le film est présenté par Jean-Baptiste Thoret (Cahiers du Cinéma) et est accompagnée d'un bonus où le réalisateur Christophe Gans le décortique d'une manière passionnante. On notera, entre autres merveilles, l'un des plus beaux génériques de l'histoire du cinéma, où les acteurs sont présentés à côté de mannequins de couture qui semblent plus vivants qu'eux (l'un d'eux bouge d'ailleurs imperceptiblement la tête), annonçant le petit monde clos (le film commence par l'enseigne rouge de la maison de couture qui se balance dans le vide et se clôt sur le combiné rouge d'un téléphone qui se balance dans le vide) et figé dans lequel se déplace avec une élégance rare la caméra. « Dans un décor baroque et pop, au rythme chaloupé d’un mambo lancinant signé Carlo Rustichelli, le cinéaste crée un univers mental, peuplé de miroirs déformants, de lumières clignotantes, de mannequins d’osiers, comme autant de carcasses évidées, et de figurines anthropomorphes en feutrine rouge vif. Leur présence obsédante semble plus vivante que celle des humains, rendus à l’état de pantins dévitalisés, sans psychologie aucune, et où uniquement la mort ritualisée, aveuglément assénée, leur donnera quelque éclat. Un monde figé où seule la caméra, et ses travellings enroulés, semble en mouvement. Comme dans un tableau de Manet - dont les personnages à l’image de cartons-pâtes, semblent avoir bien moins d’épaisseur que les objets, qui les entourent -, les êtres condamnés à un devenir-cadavres demeurent rivés à la platitude des images, et la vie n’émerge ici paradoxalement que des natures mortes. » (Nathalie Dray, Libération, 29 septembre 2018). Éblouissant !