Dans le vaste paysage des créateurs de films sud-coréens, Bong Joon-ho doit être le meilleur d'entre tous. Son Memories of Murder posait déjà l'apogée d'un genre, The Host était d'une ambition énorme, Mother faisait du fort avec du simple. Quand le monsieur décide d'adapter la cultissime BD Le Transperceneige de Jean-Marc Rochette et Jacques Lob, se permettant au passage de recruter un casting international, on ne peut cacher notre impatience. Appuyé par des retours très positifs depuis sa sortie en Corée du Sud début août, le pari semblait déjà relevé à l'avance.
Je dois dire que pendant la première demi-heure, voir la première heure, je n'étais qu'à moitié convaincu. J'adorais, mais ce n'était pas aussi incroyable que je l'avais pensé. Puis il y a un déclic, une fameuse scène dans un tunnel, qui pose déjà les bases du récit incroyable que Bong Joon-ho va dérouler dans la seconde partie de son film. Beaucoup plus tragique, beaucoup plus pessimiste, beaucoup plus profonde et prenante. Une heure pendant lesquelles j'étais littéralement scotché aux images. C'est d'une maîtrise artistique et scénaristique absolument incroyable, tous les interprètes sont parfaits (même Chris Evans, très loin de Captain America, dans un rôle saisissant), la photographie est superbe, y a un jeu des couleurs / des lumières qui rappelle évidemment Memories of Murder.
On voit assez rapidement dans Snowpiercer qu'on est pas dans un film américain, à des kilomètres de ces blockbusters basiques très prévisibles. Ici Bong Joon-ho prend à contre-pied sur de nombreux points. On nous disait que Snowpiercer était une allégorie de la lutte des classes, mais c'est plus complexe que ça : on nous parle ici plus généralement de la guerre, des rêves d'égalité, et de leurs conséquences, le tout enveloppé dans une histoire d'une rare noirceur, des scènes incroyables, un final à pleurer, une bande-originale magnifique d'un Beltrami très inspiré.
On pourrait discuter du film de Bong Joon-ho pendant des heures, mais il serait difficile de dire ce que d'autres n'ont pas encore dit. Un film dont on décroche pas, et qui instantanément se classe comme l'un des plus grands films de l'année, et de très loin. On ne pourra conseiller qu'une seule chose : allez-le voir, de préférence en VOST, mais cela va sans dire. Une expérience de cinéma rare, qui arrive à surpasser le Cuaron de la semaine passée, ce qui pour le coup, est un tour de force.