Après Zhang Yimou et Jia Zhangke, entre autres, au tour de Wang Xiaoshuai de livrer une fresque virtuose sur la Chine des 40 dernières années. Mélodrame familial autour de la perte et de l'absence, le film raconte l'évolution sociale et politique d'un pays où le sens du collectif a toujours eu la primauté sur le développement individuel, tout du moins jusqu'à une période récente. Le récit de Wang est sinueux, usant jusqu'à l'excès de flashbacks et d'ellipses, laissant parfois le spectateur dans une zone de flou jusqu'à ce que le puzzle narratif se révèle dans ses grandes lignes, après 3 heures de projection. Ces moments d'incertitudes, géographique et temporelle, ne nuisent cependant pas à la puissance de cette aventure humaine qui s'articule autour de la politique de l'enfant unique, qui ne prit fin qu'en 2011. Film sur le deuil, So long, my Son, est aussi une oeuvre vibrante sur la permanence du couple, sur l'amitié, sur le pardon et sur la résilience. Wang n'a pas peur de jouer sur le registre sentimental, notamment dans la dernière partie, sommet d'émotion et de mélancolie alors que les deux personnages principaux, les parents (admirablement interprétés), sont désormais vieux et sereins. So long, my Son forme un tout qui peut paraître hétérogène et parfois opaque mais c'est la somme des tranches d'existence qui constituent son trésor, convoquant le ressenti plutôt que l'analyse. Que le réalisateur n'ait pas cherché à faire des compromis scénaristiques et de montage pour se rendre plus compréhensible aux yeux du public occidental est digne d'éloges, autant que sa volonté de ne pas édulcorer un discours politique que la censure chinoise a dû moyennement goûté. Ce qui reste du film, c'est son humanisme et son portrait d'une génération sacrifiée, peut-être moins violemment que la précédente, au temps de la Révolution culturelle, mais de manière plus sourde et intime.