Je vais te le dire franchement : avant Solaris, j’avais un peu de mal avec Andrei Tarkovski. Seulement voilà, je suis de ces spectateurs qui ont parfois une illumination, un déclic, un message venu d’ailleurs permettant, d’un seul coup, de comprendre un réalisateur jusque là inaccessible. Eh bien Solaris a été mon déclic pour Tarkovski. Attention, non pas que je ne l’aimais pas, j’ai toujours trouvé ses réalisations magnifiques, mais j’étais dans une certaine frustration de ne pas en saisir toute l’essence et parfois hermétique à sa cinématographie qui me paraissait pesante.
Solaris donc, est le 4eme long-métrage du maître russe. Réponse d’orgueil (?) à Kubrick et son 2001 sorti en 1968, soit 4 ans plus tôt, l’épopée spatiale de Tarkovski nous entraîne à la suite de l’astronaute-psychologue Kelvin sur une station en orbite autour de la mystérieuse planète « Solaris ». Son but ? Livrer un rapport sur l’état psychologique des 3 savants à bord soumis à une force mystérieuse venant de l’astre céleste.
Ce qui frappe d’entrée dans le film, c’est son extraordinaire beauté visuelle, particulièrement dans sa première partie (sobrement intitulée Première Partie, faut pas trop en demander non plus). Offrant des plans à fracturer la rétine d’un aveugle, Tarkovski confirme qu’il est un pur esthète de la mise en scène. Chaque plan est à sa place, que ce soit dans son cadrage, les contrastes de couleurs ou leurs durées, rien ici n’est laissé au hasard.
Le déroulement du reste du film est également inscrit dans cette idée de perfection de la mise en scène. Déployant un suspens incroyablement prenant et anxiogène dans les premières minutes de l’arrivée de Kelvin sur la station spatiale (ces plans lents et longs contrastants avec des apparitions furtives mystérieuses … ) , Tarkovski sait te faire mariner et t’amener là où il le veut.
Et justement, il t’amène où Andrei ? Sans trop poiler, on peut avancer qu’il nous amène lentement à une réflexion sur la conscience de l’Homme, ce qu’est être humain, sur l’art, ou encore la place de l’Homme dans l’univers. Pour cela, la planète Solaris joue un rôle clé. Exhumant les tourments de Kelvin pour les faire corps sous les traits de son épouse, morte 10 ans plus tôt, la planète va amener le savant dans ses souvenirs et réveiller en lui l’étincelle de la paix.
Au rayon des points négatifs, parce qu’il faut bien qu’il y en ait: les acteurs. Enfermés pendant des années sur une station dans l’intrigue, on a parfois l’impression, à la vue de l’austérité de leur jeu, que ça a également été le cas avant le film, comme une soirée d’intégration qui aurait duré des années.
Solaris se conclut sur une ultime réconciliation et sur une image qui nous est jetée en pleine figure : nous ne sommes qu’une goutte d’eau dans l’immensité de l’Univers.