Le croco dîne en solitaire
Depuis le temps que je voulais le voir celui-là. On m’en avait dit du bien et on ne s’était pas trompé. Je le trouve même un peu sous-noté, mais tout le monde ne peut pas apprécier à sa juste valeur un crocodile énorme et implacable qui déchiquette du touriste pour son quatre heure (et c’est bien dommage).
Point de départ : un groupe de touristes part en bateau sur une rivière, au beau milieu de la jungle des territoires nord-australiens, dans l’espoir d’apercevoir des crocodiles et se procurer ainsi quelques frissons… Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils vont en avoir pour leur argent ! En effet, après quelques heures d’agréables déambulations au fil de l’eau, un (gros) crocodile, pas très content de les voir empiéter sur son territoire (et c’est un euphémisme), les fait s’échouer sur un minuscule îlot qui est inexorablement condamné à être recouvert par la marée pendant que le monstre reptilien attend, près à se faire un festin du moindre humain passant à portée de ses crocs.
Là où le film frappe fort, c’est justement sur le choix et la façon dont est montré son « méchant ». Déjà, ce n’est pas un crocodile mutant, un crocosharkocastor ou encore un saurien géant de la taille de l’Empire State Building. Non. C’est un crocodile normal, bien que d’une taille très conséquente. Par normal, comprendre : une machine à tuer sachant se rendre invisible et un chasseur implacable à la mâchoire terrifiante. Et tant mieux car le crocodile est, je trouve, un animal fascinant, beau d'une certaine manière, mais c'est aussi celui qui pour moi est, et de loin, le plus effrayant... McLean joue au départ beaucoup sur la suggestion, on ne sait jamais trop bien d’où va venir la menace et ça fonctionne. Et quand à la fin on nous met sous les yeux beaucoup d’effets spéciaux, et alors que souvent, voir presque toujours, je fulmine contre la mauvaise qualité de ces derniers dans ce genre de productions, là… Et bien chapeau, c’est très bien fait, ça s’incruste parfaitement dans les décors et l’on se rend compte de la somme de travail que ce résultat soigné a du demander. Le film n’a pas gagné un prix en Australie pour ses effets spéciaux pour rien.
Au niveau du casting, de bonnes choses et des défauts inhérents à ce type de long-métrage. Radha Mitchell, l’actrice principale, est une « bonne chose » (juré, c’est un compliment) : elle évite en même temps le côté cruchasse qui crie toutes les 30 secondes que l’on nous impose trop souvent sans virer à la G.I. Jane insupportable, en plus d’être très crédible dans ce rôle de chef d’excursion. Michael Vartan qui passe de Tête-à-baffe-de-l’année en début de film à gentil-héros-j’sauve-même-le-chien… Bon, ça passe. Les autres personnages ne sont guère intéressants… De la chair-à-pâté pour crocodile en somme, à laquelle on n'aura pas envie de s’attacher.
Les acteurs jouent donc correctement, mais ce qui finit de les rendre crédibles, ce sont les conditions de tournage (merci les bonus DVD) : 50°c, des mouches, des vêtements en polyester qui collent, pas de maquillages parce qu’ils ne tiennent pas et, cerise sur le gâteau, de vrais crocodiles qui rôdent autour du bateau histoire de vous mettre dans l’ambiance. Le réalisateur devra plonger lui-même dans la rivière pour convaincre Sam Worthington, effrayé à l’idée de finir en casse-dalle pour sac à main, qu’il n’y a pas de danger à tourner une scène aquatique dans le dit cours d’eau.
Et pour finir de me plaire, ce film en met plein les yeux au niveau des paysages qui nous sont montrés. Si comme moi l’Australie et ses paysages millénaires, sauvages, vous fascinent, préparez-vous à vous rincer l’œil. Comme dans son précédent film « Wolf Creek », ce que j’apprécie chez Greg McLean, c’est que l’on sent à travers sa caméra l’amour qu’il a pour son pays, cette envie de le mettre en valeur et, quand l’on dispose de tels décors naturels, on serait bien bête de s’en priver.
Solitaire (ou Rogue) (ou Eaux Troubles) est donc une très bonne surprise, qui prouve que si l’on y met un peu d’envie et de travail, on peut faire un bon film de « bébêtes tueuses » comme j’aime à les appeler.
Mais vraiment : vous le sous-notez, merde !
(et merci à la personne qui m'a gracieusement offert le dvd même si je soupçonne que ce n'était qu'un vil stratagème visant à se moquer des bonds que je fais sur mon sofa à chaque bond du crocodile)