APRÈS SÉANCE
Mon dieu, que ça partait mal. Comme beaucoup je pense, je suis allé voir Solo : A Star Wars story avec un très mauvais pressentiment. Une appréhension tout à fait naturelle et justifiée après la campagne promotionnelle chaotique entreprise par la firme aux grandes oreilles. Pourtant, teasé dès le rachat de Lucasfilm par Disney en 2014, le spin off sur la jeunesse de Han Solo a connu une réalisation très difficile : le retrait des deux réalisateurs principaux Phil Lord et Christopher Miller, le reshoot de plus de 80% du film par Ron Howard, l’emploi supposé d’un coach artistique pour arranger le jeu « catastrophique » d’Alden Ehrenreich, et les quasi-excuses anticipées de la promotion craignant l’accident industriel… Cerise sur le gâteau promotionnelle avarié, le film a été copieusement boudé par les « professionnels » cannois.
Pour un film lambda, ces péripéties n’auraient peut-être pas eu beaucoup d’importance mais Solo n’est assurément pas un film lambda. C’est un Star Wars, un STAR WARS bordel ! La franchise rachetée en 2014 par le géant Disney pour 4 000 000 000 $ et qui a déjà généré depuis sa création près de 33 000 000 000 $ (oui oui, le PIB de l’Albanie en 2016) ! Star Wars, c’est dix films canoniques sur plus de quarante ans, avec des budgets unitaires de plus de 200 000 000,00 $ pour les quatre derniers. C’est trois univers distincts (canon, étendu et legends) composés de films dérivés, de séries télé, de comics, de séries animées… C’est une saga culte ayant marqué la culture contemporaine de son empreinte. Alors comment un film s’inscrivant au sein de cette machine gigantesque a pu pâtir d’une communication aussi désastreuse ? Vaste question. Mais une chose est sûre, lorsque les lumières se sont éteintes, mon optimisme l’était beaucoup moins…
Censé instaurer ordre et stabilité, l’Empire a en réalité permis l’émergence de différents syndicats du crime aux quatre coins de l’Univers. La planète Corellia ne fait pas exception. Ses habitants sont opprimés, vivent dans les égouts et sont contraints de voler pour le compte de Lady Proxima. Deux de ces esclaves, Han et Qi’ra tentent d’échapper à cette soumission.
Malheureusement, seul Han (baptisé Solo entre temps) ne parvient à quitter Corellia. Dans un monde où les mafias se battent les territoires et les ressources, Solo va rechercher le big shot qui lui permettra de sauver Qi’ra.
Mais la galaxie lointaine, très lointaine, réserve son lot de surprises et de trahisons.
SUR LE FOND : 6,5 étoiles
Solo : A Star Wars story est un western intergalactique à mi-chemin entre Le Parrain, Braquage à l’italienne et Mission : Impossible. Loin de moi l’idée de comparer qualitativement ces références et Solo, mais c’est néanmoins une ambiance qui colle plutôt bien au plus célèbre contrebandier de la galaxie. On est très rapidement plongé dans cette atmosphère mafieuse où les trahisons vont se succéder. C’est plutôt sombre, hostile et cracra. Il y a d’ailleurs beaucoup moins d’humour que dans les autres SW made in Disney (bonne nouvelle). Solo épouse parfaitement les codes du film de braquage assez classique : on monte une équipe, on élabore un plan, il foire à cause d’une équipe concurrente, on en paie les conséquences, on part sur le plan B, on improvise. Pas d’une originalité folle, mais voir ce genre de film dans l’univers Star Wars que j’affectionne tant est assez plaisant. On a par conséquent un film plus « terre-à-terre », plus réaliste, faisant abstraction (ou presque) des histoires mythologiques de Force, de Jedi, de côté obscur et de sabres laser. Cette rationalité de l’intrigue est également marquée sur la forme, j’aurais donc l’occasion d’y revenir plus bas [à tout à l’heure].
Le film est néanmoins un spin-off canonique de notre space-opéra préféré, les easter-eggs sont donc légion. Du simple clin d’œil subtil au fan-service grossier, il y en aura probablement pour tous les goûts même si à mon sens, c’est globalement assez maladroit. Les scénaristes Kasdan (père et fils), très habitués à l’univers SW, ont pioché dans les éléments caractérisant Han Solo pour les expliquer, jusqu’à épuiser le mythe de ce personnage. La quasi-totalité des relations, des anecdotes ou des objets liés à Han Solo sont démystifiés dans son long métrage. Ça commence très fort avec la volonté obsessionnelle de nous montrer les dés dorés de Solo, accessoire oubliable dans l’Épisode IV avant d’être promu en élément scénaristique important de l’Épisode VIII. Vont être également expliqués le nom de Solo, sa rencontre avec Chewbacca, l’origine de son blaster, sa rencontre avec Lando Calrissian, l’obtention du Fancon Millenium, la réalisation du Kessel Run en douze parsec… Bref, tout ce qu’on ne connaissait pas et qu’on souhaitait savoir (ou pas) sur Han Solo.
En soi, cela ne m’a pas spécialement dérangé qu’on désacralise ce qui fait le personnage de Han Solo (si toutefois on considère que montrer une chose la désacralise). Mais montrer tout le non-vu de Han Solo dans un seul film donne malheureusement l’impression qu’il est resté planqué dans une grotte entre la fin de Solo : A Star Wars story et l’Épisode IV (soit à la louche, entre 10 et 15 ans). Sans parler de la réalisation pas toujours habile, notamment s’agissant de la rencontre Solo/Chewie qui est particulièrement bâclée et même ridicule lorsqu’on apprend que Solo a fait Shyriiwook LV3.
Let me give you some advice. Assume everyone will betray you. And you will never be disappointed.
Parlons un peu d’Alden Ehrenreich puisque la qualité de son jeu avait fait couler beaucoup d’encre numérique durant le tournage. Bon, balayons déjà les critiques primaires du type « oué bah c’est pas Harrison Ford… ». Bah non les gars, ce n’est pas Harrison Ford mais il n’y peut rien. A ce niveau-là, c’est plus un problème de génétique que de jeu d’acteur. Alors, Alden Ehrenreich fait-il un « bon Han Solo » ? Au début, j’ai eu un peu peur c’est vrai, mais j’ai l’impression que la prestation se bonifie au fil du film. Et dans le dernier tiers, j’avais devant moi un vrai Han Solo, prétentieux, blagueur, qui répond « I know » et qui tire le premier.
Je reste toutefois perplexe sur l’utilité et la cohérence de lier Han Solo à la création de l’Alliance Rebelle par le don du coaxium à Enfys Nest (Erin Kellyman). L’intérêt du personnage de Solo a toujours été son indépendance vis-à-vis du conflit Rebelle/Empire et sa facilité à en tirer profit.
Le reste du casting est globalement assez bon. Beckett (Woody Harrelson) endosse bien le rôle du mentor, de la figure paternelle presque. Sa bande, même si elle est peu exploitée, est intéressante notamment Rio (voix de Jon Favreau) qui est une sorte de fusion entre Goro et un porg… Chewbacca (Joonas Suotama) est à mon sens toujours aussi attachant. Quarante ans avant sa révélation antispéciste, Chewie était donc rabaissé à bouffer des corelliens dans une grotte, tel un Rancor. Même si je savais que son passé n’avait pas toujours été rose, ça fait de la peine. Childish Gambino est un parfait Lando et j’ai trouvé super intéressant de montrer un Faucon Millenium différent, plus en phase avec la personnalité de ce Jimi Hendrix de l’espace. Le personnage de L3-37 (voix de Phoebe Waller-Bridge), en parfait Social Justice Warrior, semble définitivement implanter les thèmes et combats sociétaux actuels dans les films SW. Cela fait au moins un personnage féminin intéressant, vue la platitude de Rey, euh Jyn… Qi’ra pardon, elles se ressemblent toutes tellement ! Enfin, Dryden Vos (Paul Bettany), même s’il est excellent par rapport au Général Hux, ne m’a pas fasciné outre mesure.
Comment ne pas dire un petit mot sur le caméo final, le plus célèbre Zabrak : Dark Maul himself ! Même si la survie de Dark Maul était déjà canonique (via The Clone Wars), le voir fut une surprise, et cela laisse présager une intéressante trilogie de spin-off. Alden Ehrenreich ayant signé pour trois films, cela ne m’étonnerait pas de voir une suite axée bad guys (pourquoi pas sur Boba Fett) suivie d’un épisode final sur Kenobi avec son match retour sur Tatooine contre Dark Maul. OHGOD
SUR LA FORME : 7 étoiles
Ron Howard, à qui on doit notamment la trilogie Da Vinci Code, a donc pris la réalisation de Solo : A Star Wars story suite au départ de Phil Lord et de Christopher Miller pour « différent artistique ». Habitué aux échecs commerciaux depuis une petite dizaine d’années, Solo ne va visiblement pas inverser cette tendance. Il est pourtant, à mon sens, loin d’être mauvais.
Réalisé majoritairement en caméras portées, le film capte son spectateur et le place efficacement au cœur de l’action. La scène de la bataille, à laquelle Han Solo participe dans les rangs de l’Empire, est ainsi probablement une des plus réalistes [eh, vous êtes encore là], concrète et immersive de la saga. Pour une fois, la lutte ne se résume pas à quelques tirs de blaster, à un combat de sabres ou à un rayon explosant une planète, mais prend la forme d’une vraie guerre de tranchées où ça explose de partout.
Ce réalisme est intensifié par une importante utilisation de lumière naturelle qui rend certaines scènes très sombres, voire trop sombres malheureusement. C’est notamment le cas durant toute l’introduction dans les égouts de Corellia. Globalement, la photographie de Bradford Young, pourtant nommé aux Oscars pour son travail dans Premier Contact, n’est pas excellente sans être abominable. Il y a de bonnes surprises comme la scène de Sabacc ou l’attaque du train de coaxium. Tournée dans des décors naturels (les Dolomites, en Italie), cette scène est en plus bien rythmée et très dynamique. On flirte légèrement avec le cliché mais c’est évidemment une référence aux films de western. D’autres séquences sortent un peu du lot comme la poursuite en landspeeders sur Corellia, ou le raid de Kessel.
D’ailleurs, hormis la gigantesque pieuvre full numérique près de Kessel, Solo : A Star Wars story offre un bestiaire original de créatures en dur. Dans l’esprit de la première trilogie, la quasi-totalité des aliens que l’on croise sont en effet des animatroniques et non des animations rajoutées en post-prod. A ce plaisir visuel s’ajoute une certaine satisfaction auditive, la musique est effectivement bien présente et plutôt bonne. Le thème de Han Solo par exemple, créé spécialement pour l’occasion par John Powell offre une ambiance très action/mafia qui va bien avec le film.
I'm gonna be a pilot... best in the galaxy.
Malgré les 2h15 au chrono, Solo : A Star Wars story ne tire pas en longueur et propose une action bien harmonisée. Malheureusement, peut-être en raison de la surexposition de la licence, le film se dirige en hyper-propulsion vers le tire du « pire Star Wars de tous les temps ». Pourtant fan de la saga, je suis moi-même un peu rassuré d’attendre un an et demi pour le prochain opus. Mais comme disait un grand maitre Jedi : « Difficile à voir. Toujours en mouvement est l’avenir ».
Bonus acteur : NON
Malus acteur : NON
Je me suis tâté sur Emilia Clarke (sur sa prestation, j’entends bien). Son jeu est tellement insipide, sans profondeur. C’est assez dommage pour un personnage comme Qi’ra qui aurait mérité un peu plus de subtilité. M’enfin, elle peine tellement à exister que ça m’embête d’appliquer un malus. Par contre, je serai intransigeant sur ses futures prestations (ça tremble à Hollywood là…).
NOTE TOTALE : 7 étoiles