Sonate d'automne est un film acerbe, acerbe et dur comme la roche dont est faite Charlotte. Que c'est éprouvant de voir cette mère et cette fille se déchirer, rattrapées par un passé dévastateur qui laisse des traces indélébiles, que c'est douloureux de voir cette jeune femme hurler à la mort de douleur physique comme morale dans son lit, terrassée par la maladie, que c'est terrifiant de voir cette mère incapable de lui adresser la moindre attention sincèrement affectueuse, emprisonnée dans son apathie émotionnelle... Bergman réitère son analyse de l'incommunicabilité entre les êtres (Persona, Le silence, Scènes de la vie conjugale pour ne citer que les plus illustres) sans jamais se répéter, privilégiant toujours un angle d'approche différent, en conséquence Sonate d'automne est un chef d'oeuvre de plus. Comment pouvait-il en être autrement en même temps ? Nykvist à la photographie pour l'une de ses plus belles compositions qui rend justice à la pâleur automnale seyant au titre du film, et la rencontre (non sans accrocs d'après les témoignages, des divergences artistiques qui ne font que nourrir le talent des deux individus à l'écran et derrière la caméra quoi qu'il en soit) entre les deux plus grandes stars de l'histoire du cinéma suédois, Ingrid et Ingmar.
Elle est fabuleuse, livrant peut-être sa meilleure prestation d'actrice, à la fois froide, désincarnée, mais aussi accablée par une enfance austère et une vie de mère et d'épouse déplorable. Quant à lui, il signe une réalisation picturale (difficile de ne pas y voir les fantômes de peintures de maître) à la hauteur de son immense talent, sans jamais trop en faire alors qu'un tel sujet se prête bien à l’esbroufe tragico-dramatique, s'accordant même des éclats d'originalité comme l'introduction par narrateur omniscient interposé, ou encore le cauchemar de Charlotte. Il sublime une fois de plus son propos avec ces gros-plans dont il n'a jamais caché l'intention de vouloir faire fusionner les individualités à l'intérieur, et ces quelques champs-contre-champs dont il a le secret.
Au final une oeuvre glaçante d'authenticité émotionnelle et de souffrance sur le déchirement familial, et pourtant tellement optimiste. Bergman disait d'ailleurs que c'était sans doute son film le plus éprouvant, mais que si il l'avait réussi ce serait aussi son plus optimiste, pour moi aucun doute c'est une réussite totale.
(Un mot pour Liv Ullmann, parfaite, dont la puissante prestation tout en crescendo fait écho à celle de Scènes de la vie conjugale sorti 5 ans plus tôt, d'autant plus qu'elle partage - brièvement et métaphoriquement - l'affiche avec Erland Josephson, son époux dans l'oeuvre en question...)