Mon premier Kitano et certainement pas mon dernier !

Takeshi Kitano interprète un chef yakuza embourbé dans des rixes de clans, son personnage, nihiliste, violent et provocateur, a un charisme qui crève l'écran.

Introduit dans un Tokyo aux personnages froids et intègres, Aniki Murakawa, gangster proche de la retraite ne doit des comptes à personne : passage à tabac du second de son supérieur, séance d'intimidation qui se termine en noyade. Dès le début du film, il dégage une profonde indifférence à son destin et fait ce que bon lui semble, notamment par une certaine brutalité.

A l'issue d'une fusillade, une âme s'éteint, les phares d'une honda percent la nuit et la sublime BO de Joe Hisaishi se lance. Une voiture roule seule au milieu de la cambrousse japonaise et se dirige vers un magnifique paysage où ciel et mer s'entremêlent.

Le film par le contraste de couleurs, par l'écho de cette BO grandiose, prend un tournant complètement inattendu et c'est selon moi sa plus grande force : cette capacité à transformer un début de film de yakuza assez classique, assez cliché, où les traits des personnages sont forcés, vers un film avec une dimension infiniment plus poétique et profonde.

Le fait que cette "échappée" soit visuelle y joue beaucoup, plan par plan on assiste à cette subite fuite vers la côte japonaise et nous faisons partie du voyage, qu'on le veuille ou non, cette scène dégage une telle énergie, une telle magie qu'on est immédiatement emporté dans cette folle excursion.

Nos cinq yakuzas se retrouvent donc exilés dans une petite cabane sur la plage d'Okinawa.

Déboussolés par l'insolite de cette situation et attachés à leurs principes de gangster impassibles, nos personnages ont du mal à se laisser aller jusqu' à ce que Murakawa, leur boss, à l'issue d'une roulette russe mémorable, sonne le début “des enfantillages”.

Que cela soit à travers le jeu des petits sumos reproduit en grandeur nature de façon hilarante, les trous dans le sable, la bataille de feux d'artifice, le frisbee, nos personnages sont figés dans le temps, à l'abri des regards sur cette plage déserte et replongent dans l'innocence de l'enfance, abandonnant costumes et souliers pour de simples chemises estivales.

Aniki Murakawa est le personnage clé de cette vague de joie de vivre, arborant son grand sourire terriblement contagieux. Ce petit bonhomme japonais est terriblement convaincant dans sa façon d'accueillir avec légèreté et humour chaque situation, chaque opportunité de rire aux éclats. Tout en étant capable d'être très mélancolique (première nuit sous le clair de lune), c'est un personnage lucide qui ne se ment pas à lui-même et n'hésite pas à s'afficher comme un grand enfant malgré son statut.

Plus qu'un leader, il est un mentor pour ses confrères yakuzas mais également pour nous spectateurs, c'est un homme, un vrai, qui s'abandonne aux petites joies de la vie, à l'insouciance de l'amour sans se voiler la face.

"-T'es un dur, j'aime bien les durs -Si j'en était un j'aurais pas de flingue"

"-Mais tu tires vite -Parce que j'ai vite la frousse"

Fatalement rattrapé par la violence, réveillé de cette léthargie par un simple coup de feu, sec et mortel, notre personnage est poussé vers ce cruel final, à la fois poétique et révélateur de la profondeur de ses valeurs. Une violence qui arrive toujours sans préavis dans chacune des scènes, elle semble inévitable, nécessaire et contribue grandement à l'essence de ce film.

Un film unique, à voir mais surtout à ressentir.

Marcellooo
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le 7 juil. 2024

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