Jusqu'à ses derniers instants de cinéaste, Ken Loach n'en démordra pas et continuera d'enfoncer le clou avec opiniâtreté contre les ravages du libéralisme. Pour autant, le cinéaste anglais ne tourne jamais le même film, s'ingéniant à faire le portrait d'hommes et de femmes qui luttent pour exister dans un système où la loi du plus fort et du plus riche ne fait pas de quartiers. La petite famille de Sorry we missed you est typiquement loachienne presque jusqu'à la caricature, dominée par deux figures féminines, les plus sensées, les plus bienveillantes et certainement les plus courageuses : la mère, admirable, et sa fillette, qui l'est tout autant. La dernière partie du film, suite d'avanies dramatiques est un peu trop chargée et rappelle que ces dernières années Loach a souvent la main un peu lourde et démonstrative (voir Moi, Daniel Blake). Mais bon, on peut l'exonérer de ces pesanteurs au vu de la grande humanité qui se dégage de Sorry we missed you. Et si sa mise en scène brille moins qu'à l'époque de ses plus grands films (en gros dans les années 90), ses scénarios ont toujours non seulement du sens mais ne lâchent pas prise, socialement parlant. C'est ce qui s'appelle avoir de la constance et une conscience qui ne baisse pas la garde.