J'avoue qu'une des choses que j'apprécie le plus dans l'abondante et inégale filmographie de Christian-Jaque, c'est quand il savait conjuguer une atmosphère de conte avec une intrigue policière ou de thriller vériste, sans que la poésie en soit exclue.
On pouvait déjà trouver tout cela dans les excellents et captivants Les Disparus de Saint-Agil et L'Assassinat du Père Noël (ce dernier partageant avec le film, critiqué ici, des extérieurs neigeux, donnant envie de se fourrer près d'une cheminée, et une Renée Faure éthérée, apparaissant faussement fragile et hors des réalités cruelles du monde !). J'ai eu plaisir à ressentir à nouveau cette ambiance dans Sortilèges.
Un village isolé dans la montagne, où le paganisme l'emporte sur le christianisme, où les superstitions se portent à merveille, où chacun se connaît, où on est un étranger si on n'est pas né dans le coin (même si on y vit depuis une trentaine d'années !). Un simplet, ayant des problèmes de mémoire, plus futé qu'on ne le pense. Une douce colombe plus dure qu'elle n'y paraît, sachant utiliser son bec pour piquer là où ça fait mal. Une aigle qui peut perdre très facilement ses plumes, surtout quand on vise le cœur. Et un dur sans scrupules qui a pourtant son lot de points faibles et, là aussi, c'est au niveau de l'organe à gauche. Ah oui, et il y a dans la neige, le corps d'un homme, assassiné par le dur sans scrupules, ainsi que le beau cheval noir de la victime hantant sans cesse les lieux...
Le tout emballé avec une distribution qui assure (y compris la bizarrerie amusante d'une vieille dame jouée par un vieil homme !), dans la peau d'êtres n'étant jamais ce qu'ils paraissent être à première vue, donc ne manquant pas de complexité et d'ambiguïté. Et il n'a pas peur de choquer le spectateur en balançant froidement un meurtre dès le tout début, pour le baigner immédiatement dans la noirceur.
Absolument rien ne va vers le merveilleux, car comme pour les deux films précédemment cités, le mystère et l'étrange (ah la présence obsédante de l'équidé, demandant justice sans répit pour son maître !) suffisent amplement pour envoûter du début jusqu'à la fin.
Avec Sortilèges, Christian-Jaque se laisse encore aller à ce qui s'apparente le plus au style reconnaissable d'un auteur dans une filmographie diverse et variée par sa qualité (pouvant se fracasser dans une impersonnalité commerciale au détriment de toute ambition artistique !) ainsi que par les tons et les genres traités. Jamais deux sans trois.