Deuxième long-métrage d'Aleksandre Koberidze, ce film est un véritable enchantement. On y croise une forme d'humour proche de Jacques Tati, des facéties filmiques – entre autres, ces séquences récurrentes où seules les jambes des personnages sont filmées – le merveilleux, par l'annonce d'une malédiction, qui fait parler plantes et objets, puis par la métamorphose de l'un des personnages, et surtout une poésie qui infuse l'ensemble, ancré dans un réel où les chiens traversent souvent l'image et sont traités comme des personnages. L'hommage au cinéma muet, gestes exagérés, absence de son quand les personnages parlent, souligne cette profonde affection pour le cinéma. Car "Sous le ciel de Koutaïssi" est une formidable déclaration d'amour, indépendamment de l'histoire du film. Les plans de toute beauté, alternances diurnes et nocturnes, s'enchaînent sans faillir. Composés impeccablement, au cadrage toujours pertinent, ils semblent se fondre l'un après l'autre avec une grande fluidité, sans pour autant abuser d'effets cinématographiques (un travelling, un plan en contre-plongée). Koberidze filme l'enfance, l'âge adulte avec une forte empathie. Koutaïssi, troisième grande ville de Géorgie, nous est donnée à voir comme un village tant la caméra semble se cantonner à quelques lieux. La présence de l'eau du fleuve Rioni revient comme un motif tout au long du film, parfois cadré de si près que l'on croit voir la mer. La musique est très présente, d'une grande variété de styles, épousant toujours judicieusement ce qui est montré. Ce groupe de jeunes gens qui chantent une chanson peut-être traditionnelle est un moment magique. Une voix off, parfois complice, parfois distante, commente l'histoire, apporte des précisions, et instille à la fin un doute sur ce qui nous a été montré, pirouette ultime après la remarquable trouvaille du rôle de révélateur de l'image-cinéma.