Si le film d'Ulrich Seidl n'est pas une conséquence des affaires Fritzl et Kampusch puisque sa genèse les a précédées, il met cependant en évidence une spécificité locale, le sous-sol et ce qu'il représente dans le quotidien des Autrichiens.
Lieu d'occupations diverses, domestiques ou de loisir, le sous-sol est aussi un endroit caché. Alors que le salon est dédié aux activités sociales, ce qui est dessous relève de l'intime voire de l'inconscient. La démarche de Seidl est ici de montrer ce qui ne l'est habituellement pas avec une curiosité orientée. Sous-sols parle de stands de tir, de fan d'Hitler et de sado-masochisme avec l'habituelle touche formelle du cinéaste, images frontales, cadres parfaits, une sorte de brutalité esthétique qui place le spectateur dans un inconfort singulier ("c'est beau mais c'est affreux" ou l'inverse).
"Attention, certaines images peuvent choquer", pourrait-on dire, mais de manière beaucoup moins évidente qu'on aimerait le croire. Car à bien y réfléchir, cette femme battue s'occupant de femmes battue mais s'adonnant au SM dans un rôle masochiste ou cette autre femme ayant un esclave à domicile agissent en conscience dans des jeux qui ne concernent qu'elles et leurs partenaires, alors que l'adorateur d'Hitler, dont le plus beau des cadeaux de mariage est un portrait du Fürher, pose bien d'autres questions morales.
Chez Seidl, la démarche de documentariste est la même que lorsqu'il réalise une fiction. Il ne pose jamais sa caméra au hasard, s'inspire du réel pour raconter, tout comme il raconte et détourne lorsqu'il s'agit de montrer le réel. Au spectateur de prolonger le regard, l'orienter, observer à son tour, être captivé, interloqué, bousculé.
Cinéaste de la comédie humaine grattant les croûtes de ses concitoyens (et donc de lui-même) afin de mettre à nu leurs névroses, leurs obsessions et leurs peurs, Seidl met en scène la noirceur comme il souligne le ridicule. Froid et grotesque, son cinéma suppose qu'on ne détourne pas le regard. Si l'on veut tout voir, il faut voir les films de Seidl.