La trilogie Matrix a été l'un des porte-étendards de la révolution du cinéma numérique, un manifeste de toutes ces nouvelles possibilités offertes par la technologie.
Les Wachowski ont voulu avec Speed Racer sorti en 2008 pousser leur démarche dans ses derniers retranchements et définir alors ce qui serait le cinéma de demain. Le résultat est hallucinant pour une œuvre qui aura été certainement incomprise en son temps tant elle était novatrice et radicale. C'est une adaptation du manga Mach GoGoGo créé en 1966 et de la série animée qui en a découlé un an après. L'univers imaginé par Tatsuo Yoshida est utilisé comme un pur écrin par les deux frères ( à cette époque ) dans lequel ils vont matérialiser notamment leur amour de la japanimation, du jeu vidéo mais aussi de l'art contemporain.
Le film s'ouvre sur un kaléidoscope comme pour prévenir le spectateur qui s'apprête à rentrer dans une dimension parallèle et l'introduction est une pure décharge d'effets visuels qui s'empare de la figure du ghost dans le jeu vidéo de course pour lui donner une connotation tout à fait puissante et mélancolique. Toute la grammaire du film échappe au découpage traditionnel et organise l'action comme un flux d'images constant où d'ingénieux effets de superposition et de transition font muter les plans. Il y a vraiment une exploration maximale du médium à la fois dans les séquences de courses juste orgasmiques mais aussi dans les séquences de dialogues.
L'écriture est certes classique et accouche d'un scénario simple mais qui n'est cependant jamais simpliste. Cette histoire familiale est prenante du fait d'enjeux tangibles et de personnages attachants.
Speed Racer convoque les thématiques chères aux Wachowski : un système tout puissant, un jeune élu traumatisé qui tente de s'affranchir des limites, une équipe de rebelles. Il y a ce discours anti-corporatiste qui replace la famille au centre de tout et qui semble d'une certaine manière raconter l'histoire d'Hollywood. L'histoire de trahisons multiples ( entre les patrons qui truquent les courses mais aussi entre les frères ), l'idée de lutte d'une petite entreprise face au système, la description du monde du business. Tout cela est a replacer au cœur du film.
Les frères établissent une simultanéité entre plusieurs espaces et temporalités ce qui permet au film de juxtaposer à l’intérieur des plans une pléthore de sensations et de souvenirs hétérogènes. C'est aussi une œuvre qui se place dans une décennie révélatrice d'un cinéma mutant et d’un laboratoire des images futures qui a vu tout un corpus créer un véritable art de la dématérialisation mis en place par le recours au numérique.
Speed Racer c'est aussi un cinéma de la vitesse qui fait écho aux toutes nouvelles innovations technologiques contemporaines de ce nouveau millénaire qui ont bouleversé nos sociétés. C'est certainement ce que les Wachowski ont fait de plus pur et j'apprécie énormément la sincérité et cet ordre dans le chaos qu'ils ont su insérer dans le métrage. Il y a beaucoup de raisons d'être repoussé et désarçonné par celui-ci mais en prenant du recul on ne peut que le reconsidérer.