On a pu entendre parler de Spring Breakers pendant un bon moment ce mois-ci, notamment via les Cahiers du Cinéma et leur long dossier sur le réalisateur indépendant Harmony Korine. Aussi improbable que le prénom de son réalisateur, le film laisse sans voix, montrant sans scrupules les penchants destructeurs d’une jeunesse américaine désabusée.

Le film se vit clairement comme une expérimentation. D’ailleurs le réalisateur a voulu vivre de l’intérieur ce concept du Spring Break, où les étudiants américains se rejoignent pour un séjour de débauche totale puisqu’il a demandé à des « party harders » de se joindre à lui notamment dans une scène dans un hôtel avec pour unique consigne de détruire la chambre. Jamais en retrait, la caméra scrute, tente de comprendre les comportements, sans concession (la femme de M. Korine n’est pas épargnée non plus, à voir la façon dont il la traite) et la mise en scène, loin d’être tape à l’œil, ose montrer la transe dans laquelle se retrouvent les héroïnes, made in Disney si l’on veut faire court.

C’est clair, on ne voit pas ça tous les jours. La critique de cette jeunesse bercée à la pop culture, rêvant d’orgies et de drogues, de violence et d’argent, montre à quel point le rêve américain est pervers. Même la musique, composée par Skrillex vient appuyer l’énormité des situations et si le film ne jouait pas franc jeu, on pourrait même croire à l’exagération du propos. Il reste cependant, que la situation de départ, ressassée par les filles devient peu à peu plus ambiguë et lasse parfois.

Car sans être long, le film à pourtant ses temps morts, voulus certainement, comme la gueule de bois vient forcément après la fête. Elles ne veulent pas sortir du rêve que l’image a construit pour nous et pourtant, en ont peur. Pas de plaisanteries, les scènes cocasses ne le sont que parce que le spectateur peut se permettre de les voir de l’extérieur, la cruauté est de mise. Le sexe aussi. Mais si le réalisateur aime choquer – il le fait bien – ce n’est pas non plus sans message.

Il existe bel et bien une jeunesse qui ne connaît pas de limites. Et sans elles, elle s’embourbe dans une monotonie de l’existence faite de destruction de soi et de désir d’aller toujours plus loin dans le processus. C’est ce que James Franco incarne à merveille (comme la plupart du temps, il est impressionnant) à travers son personnage d’Alien, dealeur en quête de pouvoir, extravagant et en manque d’affection, à sa manière. Pourtant, ce n’est pas toute la jeunesse qui est comme ça. Elle s’ennuie, c’est un fait et ce fut le cas de tout temps mais – et le réalisateur le précise en interview – c’est avant tout ce qui en est montré qu’il observe.

Comment pervertir le futur, montrer le mauvais exemple ? On a tous plus ou moins connu des situations où on perdait le contrôle, en groupe, pour impressionner, pour se libérer. Seulement ce n’est pas un style de vie, encore moins un achèvement. Ces expériences sont nécessaires dans l’apprentissage de chacun, pour connaître des limites que la société américaine détruit, efface. Harmony Korine réussit le tour de force de montrer la réalité des choses, en en faisant un mauvais rêve dans lequel cette jeunesse (à l’image d’Alien) perd ses repères, pour toujours. Plutôt pessimiste, le film joue sur ce tableau jusqu’à la fin, sans se préoccuper de satisfaire les jeunettes venues voir leurs idoles salies.

Les scènes de fêtes deviennent vite des images, plus floues, les dialogues sont répétés comme si le débat ne pouvait avancer dans l’état actuel des choses. Entre imaginaire et documentaire, Spring Breakers donne ce qu’il promettait, provoquant, remettant en question et c’est en cela qu’il était risqué. Il gagne son pari.
Carlit0
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films se déroulant sur un campus et Les plus belles claques esthétiques

Créée

le 20 mars 2013

Critique lue 433 fois

8 j'aime

Carlit0

Écrit par

Critique lue 433 fois

8

D'autres avis sur Spring Breakers

Spring Breakers
Chaiev
5

Une saison en enfer

Est-ce par goût de la contradiction, Harmony, que tes films sont si discordants ? Ton dernier opus, comme d'habitude, grince de toute part. L'accord parfait ne t'intéresse pas, on dirait que tu...

le 9 mars 2013

244 j'aime

74

Spring Breakers
Before-Sunrise
1

Halt Disney

Le film démarre comme un clip de MTV, avec de la musique merdique et la caméra qui tremble. Il n’y a pas de dialogue, juste des cons qui sautent à moitié à poil en buvant de la bière (yeaah on se...

le 16 mars 2013

162 j'aime

39

Spring Breakers
real_folk_blues
2

Vous êtes le maillot faible, au revoir.

Si faire rouler des culs souillés par la bière et la sueur en 120 images secondes pendant une heure trente correspondait à l’image que je me faisais de la représentation du carpe diem contemporain,...

le 13 sept. 2013

140 j'aime

79

Du même critique

Holy Motors
Carlit0
2

Monsieur Merde

Depuis Cannes, à peu près toutes les critiques vantent les mérites d'un réalisateur de retour après onze années d'absence des plateaux de tournage : Leos Carax. Scandale totale dans la presse,...

le 13 juil. 2012

27 j'aime

24

Jules et Jim
Carlit0
3

Jeanne Moreau, ses plans culs, son égoïsme et le reste du monde

Je ne connais que très peu l'œuvre de François Truffaut et si les 400 coups m'a véritablement emballé, l'homme qui aimait les femmes a été un grande déception. Et quand tout le monde m'a parlé de...

le 11 janv. 2012

27 j'aime

Les Anges déchus
Carlit0
9

Les amours impossibles

Se plonger dans le cinéma asiatique, c’est a priori, devoir découvrir plus en profondeur l’œuvre de l’un de ses maîtres : Wong Kar Wai. Car si In the Mood for Love est magistral, emplie d’une beauté...

le 4 févr. 2013

20 j'aime

8