La musique d’intro de Spring Breakers résume le film à elle seule. Scary Monsters and Nice Sprites ramène les cassures typiques du dubstep sur la scène grand publique et une violence que l’on avait pas vu à ce niveau d’audience depuis longtemps. Mais pas la peine de chercher des racines sociales façon punk, le dubstep est ici pur style, recette de cuisine, dubstep = drop + wubwub et pis c’est tout. Production commerciale bas de gamme comme on en voit tant ? Pas du tout, Skrillex est un pur phénomène émergent comme seul internet sait les faire, un produit du clics en chaine sorti de nul part. En soi aucun intérêt, pourtant on l’a déjà tous écouté on ne sait plus bien par quel biais, on a été un peu surpris alors que c’est ultra prévisible, et puis ça fait des clics. Pourquoi la violence, pourquoi ce style, pourquoi les clics ? Impossible à dire sans tomber dans la sociologie de comptoir. Mais c’est là, c’est le truc du moment.

Le spring break c’est pareil. Du fluo, de l’alcool et des seins qui se secouent, sur fond de dépravation orgiaque, la recette de l’éclate ultime. Pourquoi les seins qui secouent et l’alcool en surdose ? Parce que tout le monde te dit que c’est l’éclate ultime, alors c’est l’éclate ultime, t’as compris ? Enfin non, t’as pas compris du tout, mais c’est pas grave t’es d’accord quand même, tu le veux de tout ton être. L’auto-destruction est désirée, programmée, on sait depuis l’entrée à la fac qu’on va être raide bourré ce jour là, qu’on va vomir et peut-être baiser n’importe comment (encore que, le sexe consommé n’est finalement que très secondaire…). On sait déjà que ce sera « le meilleurs jour de ma vie », quoi qu’il arrive.

Alors bien sûr à peine arrivées, nos quatre springbreakeuses sont déjà nostalgiques, « Best Day ever », « Grand-mère c’est le bonheur », « Je veux jamais rentrer à ma maison», tout ça, tout ça, sur fond de coucher de soleil. À peine commencé le springbreak est déjà parti. Normal, c’est du vent. Vous vous attendiez à quoi ? Connaitre la volupté d’une belle poitrine doucement révélée en dégustant un bon champagne ? On parle de 200 nibars qui se secouent sous un flot de bière (et pas de la Westvleteren). Il n’y a rien à part la surexcitation et la nostalgie anticipées, qui ne font plus qu’un. Mais la pulsion de départ, elle, reste. Cette volonté de violence qui avait poussé des stars Disney à commettre un braquage, et à y prendre plaisirs.

Et notre white gangsta de service dans tout ça ? Même recette : fluo, seins qui secouent, alcool et violence dépourvue de sens. Rien à voir avec le contexte social des racines du hip-jop, tout est figure du style. Figure de style sur-usités, vu et revues par les protagonistes eux-même. Ce « look at all my shit » a du tourner 10.000 fois dans la tête du dealer incarné par J. Franco, et il connait la fin : la mort du gangster bien sûr. L’amour avec nos sprinkbreakeuses est finalement logique. Du coup Korine réalise façon zap sur Youtube, tout se répète, on saute de catch phrase en catch phrase, on zappe sur la fin à base de sang, tout y est. Et là le plaisirs ultime arrive, même le bikini tombe (alors que c’est pourtant la ceinture de chasteté des représentation télévisées du springbreak) et on a enfin le droit au coup de bite tant désiré. Enfin pour celles qui le méritent, les mijorées sont éliminées en route, pas de boss de fin pour elle. Le bain de sang final, sur-esthétisé, sur-abondé de clichés, n’est pas pour les faibles.

C’est là que Korine tape juste, dans cette sorte d’esthétisation facile et tape à l’oeil, mais pas maladroite. Un documentaire caméra à l’épaule sans maquillage aurait été faux, il n’aurait pas rendu compte à quel point tous les fans du srping break, ou de toute mécanique sociale du même ordre le spring break n’est ici qu’un exemple, vivent avec des lunettes-OMG111 (les lunettes roses de l’internet), qui leur font s’exclamer «OMG» devant tout qui a été défini comme cool par leur mur facebook. On est à l’intérieur, dans les stéréotypes même qui poussent tous ces djeunz. Personne ne vit avec un regard lucide sur ce monde. Et là où Korine réussit encore mieux, c’est que ça marche toujours un peu, on se fait toujours un peu prendre au jeu, ne serait-ce que pour mieux le rejeter ensuite. Ça tape dans notre partie de cerveau la plus abrutie, eut-on la prétention qu’elle fut mince (je m’aventure dans de la conjugaison un peu dangereuse pour moi…). Cette pulsion auto-destructrice ne serait-elle que la partie abruto-télé-youtubisé de notre cerveau ? Cette petite part de chacun de nous, exacerbée chez les deux finalistes, mis bout-à-bout ferait émerger cette pulsion violente commune ? Cela pourrait être la thèse de Korine. En tout cas la violence ne vient pas de dehors, absolument personne ne voudra jamais le moindre mal aux quatres étudiantes, si ce n’est elle-mêmes, et encore ce sera avec un plaisirs certain.

Sans doute parce que je suis de la génération qui a vécu ça de l’intérieur en le détestant, je trouve que ce film tape très juste. J’ai retrouvé l’exact mépris de la surexcitation ambiante pour le vide, de cette domination sociale des image. Je retrouvait mes poussées de vannes cynique à chaque fois que j’entendais «best place in the world». On peut aussi trouver ce spectacle affligeant, on peut reprocher à Korine une absence totale de critique de ce monde et milles autres choses. Ce sera sans doute le cas pour des gens plus vieux que moi. Deux adolescente à la sortie de la salle glisseront un «le spring break c’est énorme mais ça peut trop se barrer en couille». Korine a gagné. Il a saisi son époque avec un réalisme quasi-documentaire. Un film qui sera très intéressant en vieillissant.
Étienne_B
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le 23 avr. 2013

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Étienne_B

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