Aujourd'hui le 'stalker' est, par anglicisme, celui qui traque les informations privées disséminées sur internet. Il sait se créer un chemin entre les pages enfouies des moteurs de recherche pour en déterrer les secrets. On peut facilement faire l'analogie avec le personnage-titre du film de Tarkovski, qui s'improvise guide dans les méandres de 'la Zone', entité mystérieuse, dont il est le seul à connaître les pièges. Il y accompagne un écrivain et un professeur en physique, à la recherche d'une chambre miraculeuse, capable de combler les désirs les plus profonds de chaque être.
Après être resté complétement imperméable aux réflexions philosophiques développées dans Solaris, certains passages de Stalker me sont apparus comme des révélations. Je pense notamment au discours sur l'essence de l'art et l'origine de la beauté de la musique.
"La musique. Elle qui procède le moins du réel, et s'il y a un lien il n'est pas idéel, il est mécanique. Un son sans signifiant, sans
associations mentales. Et cela ne l'empêche pas d'aller toucher
miraculeusement au fin fond de l'âme. Qu'est-ce donc qui résonne en
nous à ce qui n'est jamais qu'un bruit harmonisé? Qu'est-ce qui le
transforme en source de plaisir élevé, et nous fait communier dans ce
plaisir et nous bouleverse?"
Ces phrases sont prononcées devant l'éveil d'un paysage traversé par un fleuve endormi. Les images font ici écho aux paroles, car pareil au plaisir inexplicable que peut provoquer une mélodie, on s'émerveille devant les courbes et les formes de la nature qui se dévoilent sous la brume. La beauté surgit et l'on est immédiatement et mystérieusement saisi. C'est là une des indéniables qualité du film tant il est jalonné de séquences qui invitent longuement à la contemplation.
Au fil de l'exploration des lieux abandonnés, Stalker aborde de nombreux thèmes à travers ses dialogues (qui s'apparentent le plus souvent à des monologues), la science, la technique, la religion, le désir, l'orgueil, la reconnaissance, l'inconscient : peut être trop en définitive. Le film assomme par sa longueur et ses développements qui pour la plupart peuvent paraître abscons (du moins au premier visionnage et avec des connaissances en philosophie limitées). Toujours est-il que l’œuvre du cinéaste soviétique, à la plastique parfaite, ne laisse pas indifférent, et à l'instar des protagonistes à la recherche de réponses nous abandonne avec de nombreuses questions.