À l'occasion de la sortie d’Anora, le cinéma ont ressorti les œuvres précédentes et parfois moins connues de Sean Baker. C'est dans ce contexte que j'ai pu découvrir Starlet. Déjà fidèle à ses thématiques sur l’Amérique moyenne, le réalisateur sut le quotidien de Jane, actrice porno du pseudo de Tess, résidant dans la banlieue de Los Angeles. Lors d'un vide-grenier elle récupère par erreur une très grosse somme d'argent. Poussé au début par la culpabilité elle noue une étrange relation avec la propriétaire de l'objet qu'elle estime avoir lésé, une vieille dame solitaire et revêche.
Avec une grande tendresse envers ses personnages et un regard lucide mais plutôt bienveillant sur les travailleurs du sexe, Sean Baker est surtout un réalisateur de la solitude humaine contemporaine. Rien que les deux prénoms de son héroïne reflète une fragmentation de son identité. Elle ne semble jamais complètement elle-même et semble chercher ardemment une place dans le monde autant que des connexions humaines « réelles ».
Comme souvent avec Baker, le film ne juge pas : Jane et ses colocataires, bien qu’imparfaits, sont décrits avec humanité. Le réalisateur offre un regard rare sur le milieu des travailleurs du sexe, sans stigmatisation ni érotisation. D’ailleurs, le simple fait que leur profession n’est révélé qu’à la moitié du film dit en soi quelque chose de très fort sur la vision du réalisateur envers ce milieu. Ce n’est pas pour lui un « sceau d’infamie » ou quelque chose à cacher ou au contraire un point de départ dont tout découlerait. Ce sont des personnes comme les autres, participant à une économie, et cette absence de voyeurisme est une des grandes forces du film. Outre Sadie, cette vieille femme solitaire, je pense également à Mélissa, la colocataire jalouse et un peu perdue de Jane, qui paraît encore plus vulnérable, mais qui pourtant a ses limites morales envers elle. Entre Jane et Sadie, la relation évolue dans un mélange d’incompréhension, d’inconfort, de désir de connexion et de douleur. Sans jouer du miracle ou de la révélation, le réalisateur trouve là aussi un final qui souligne la quête d’appartenance et de lien.
Bien que Starlet ne soit pas aussi acide que The Florida Project ou aussi touchant que Red Rocket, il porte déjà la marque de Baker : une attention minutieuse aux laissés-pour-compte et une touche d’humour subtile. Le chien en est le parfait exemple. Mâle prénommé Starlet, il entretient la confusion sur le sujet du film et casse au passage une dynamique de genre de manière désarmante. Il symbolise parfaitement l’approche du réalisateur, à savoir rompre avec certains clichés mais sans recourir au spectaculaire. La mise en scène oscille de manière douce-amère entre drame ordinaire et humour pince-sans-rire, dans une esthétique quasi-documentaire, avec des cadres simples mais travaillés, cherchant un peu de beauté dans l’ordinaire. Starlet rappelle sans prétention que, même dans des vies fragmentées, une attention aux autres peut suffire à réhumaniser notre quotidien.