Celles et ceux qui me connaissent le savent : j’adore aller voir des films sans rien en savoir.
Pour moi ça reste le meilleur moyen pour se laisser surprendre par une œuvre ; le meilleur moyen de l’apprécier pour ce qu’elle est ; le meilleur moyen pour cheminer selon ses perspectives à elle et non selon les perspectives que j’aurais moi-même finit par dresser en voyant la bande-annonce…
…Or s’il y a bien un film qui sait s’apprécier ainsi – sans rien en savoir préalablement – c’est bien ce Sundown de Michel Franco.
Et pour avoir découvert la bande-annonce après coup, je pense qu’il est même préférable de s’en passer tant elle semble à mes yeux trop en dire. Car Sundown est ainsi pensé ; il est pensé pour qu’on le découvre sans rien savoir…
…Ou pour le dire autrement : il est pensé pour qu’on découvre qu’en fait, on ne sait rien.
Pourtant, lorsque la situation initialement est posée, la messe semble déjà tout dite. On se dit qu’on connait la chanson par cœur et que la péripétie que le film pose d’emblée n’a finalement de quoi surprendre que le temps de comprendre ce qui se passe.
Moi le premier d’ailleurs je me suis laissé prendre au piège. Parce que si d’un côté j’ai apprécié cette façon dont le film nous posait les choses sans nous les dire – nous laissant ainsi le champ libre pour interpréter et comprendre les tenants et aboutissants par nous-mêmes – de l’autre je doutais de la capacité de ce dernier à durer ainsi sur le long terme. Car moi aussi j’étais convaincu qu’au fond la messe était déjà dite – qu’il n’y avait pas à chercher midi à quatorze heures – et qu’au fond ce à quoi nous invitait ce Sundown relevait de l’évidence.
Mais j’avais trop vite jugé… Et ça tombe bien parce que c’est justement à ça que le film invite : à prendre conscience que, malgré notre impression de certitude, en fait on ne fait que trop vite juger.
Ah ça… On aura beau se convaincre du contraire qu’il n’empêche qu’on s’estime vite savant en toutes choses.
On a vite fait de fixer des verdicts, à tel point que lorsque le héros donne des informations susceptibles de clarifier les choses qu’on est tenté de ne pas le croire et de se dire qu’il ment ; qu’il est bien comme tous les autres, etc…
Pourtant c’est justement la grande force de ce film que d’être capable de prendre le contrepied permanent de ce qu’il avait suggéré dans un premier temps. Régulièrement les informations tombent, les choses s’éclairent selon un angle nouveau et, de là, ce qu’on pensait être nos certitudes volent dès lors en éclat.
Personnellement, je n’ai pu m’empêcher de vivre ce Sundown autrement que comme une expérience à la fois philosophique mais aussi profondément cinématographique.
Philosophique d’abord pour ce qu’elle a su questionner de mes représentations, et cela au-delà du simple sujet traité.
Cinématographique ensuite pour ce qu’elle a su me donner comme espace à sentir. Car à prendre le peine de poser des cadres larges et propres, mais aussi en prenant le temps d’ouvrir chaque porte et de se prélasser sur chaque plage, Sundown donne à sentir. Il donne à partager.
Et si au fond je me moque éperdument du destin de ce bourgeois se vautrant dans son luxe et dans son confort qu’à l’inverse j’ai été touché par le parcours du simple humain découvrant les gens, les lieux, et se laissant lui aussi dépasser par eux.
Au fond c’est ça Sundown. C’est un espace de faux confort. Un espace de faux-semblants.
Un espace d’autant plus trompeur quand on sait en fin de compte de quoi il retourne.
Au fond tout tient en ce titre : Sundown. Le « coucher de soleil ».
A priori rien de plus beau et d’apaisant qu’un coucher de soleil, surtout quand celui-ci tombe sur la belle plage d’Acapulco.
Et pourtant le film passe et soudainement ce qui apparaissait pourtant comme confortable et indolent au début du film se révèle au final comme étant une terminaison froide ; une conclusion graçante.
Argent, famille, amour et soleil… Au fond tout ça ne pèse pas grand-chose face à la réalité du véritable crépuscule.
Ainsi, sans avoir été un chef d’œuvre transcendantal à mes yeux, Sundown a néanmoins été pour moi une vraie bonne expérience de cinéma. Cohérente.
Efficace. Rien à retrancher.
Une belle petite surprise me concernant.
Et un petit coup de cœur, assurément…