Un Kick Ass en dehors des clous.
Des claques comme celle là on n'en reçoit pas souvent au cinéma, surtout quand on ne s'attend pas à grand chose. J'imaginais au départ un film badin et léger traitant avec dérision du thème des super héros dans le contexte social des Etats Unis. Quelle erreur!
Inévitablement, compte tenu du thème, on est obligé de passer par une comparaison avec Kick Ass, ce qui est d'autant plus vrai pour moi que je l'ai vu il y a peu. Le moins que l'on puisse dire c'est que les deux ne jouent pas dans la même catégorie. Kick Ass est une oeuvre totalement située dans le champ des représentations actuelles ; le héros est jeune, légèrement Has-been mais rattaché aux codes normatifs que la société se fait du Geek. Il a un physique "agréable" associé à quelques accessoires pour coller avec l'image d'anti-héros qu'on souhaite lui faire endosser. En somme c'est assez convenu et totalement similaire à ce que l'on voit par exemple du coté de Spider Man. Avec Super on se retrouve avec un quarantenaire bedonnant, véritablement enfermé dans des critères de médiocrité. Le besoin qu'il finit par éprouver de se grimer en super héros est bien plus complexe que celui de son jeune homologue et ne répond pas à un simple caprice identitaire. Éclair Cramoisie a une mission. A l'instar du personnage elle est très modeste et servie par une simplicité formelle tout à fait en adéquation avec sa personnalité. Les préceptes dont il ponctue ses interventions fracassantes semblent totalement surréalistes et d'une candeur extrême jusqu'à ce qu'on regarde la tête mutilé de ses victimes. Super ne se perd pas dans les tribulations de Kick Ass sur les questions de justice et du rôle de l'autorité étatique. Son action est le fruit d'un élan émotionnel dicté par de la colère. Le fait que tout lui soi inspiré d'en haut, de Dieu le père lui-même, à la Jeanne d'Arc, rend tout cela terriblement dérangeant. Il est messianique et direct et de ce fait je ne pense pas que les gens s'imaginent à sa suite que c'est cool de jouer au super héros.
L'autre aspect qui a tôt fait de doucher l'identification avec le héros est justement contenu dans ses actes de "justicier" ; c'est ultra-violent. Une violence réaliste, crade jusqu'au bout des ongles. On est très loin des galipettes à la Drôle de Dame de Hitgirl qui magnifient le personnage et le font quitter le rang des super héros en carton pour celui de personnage de comics. Tout y est dicté par un esthétisme bien reconnaissable et calibré parce que très actuel. Le contraste avec Super est hallucinant ; ici point de combats chorégraphiés mais des tabassages dignes des meilleurs tripots de Petrograd ou de La Paz. Cette violence, qui casse totalement le soutien que l'on pourrait développer pour la cause d’Éclair Cramoisie suit en plus un véritable crescendo dans l'horreur. Le moment de rupture est vraiment quand il accepte sa jeune acolyte. Dès lors on quitte les coups de clefs anglaise dans la gueule qui étaient encore rassurant, pour... une approche plus crue de la "justice" (sic).
Et bien sûr qui dit flambée de violence dit également pénétrer sur le terrain de la folie. C'est un thème absolument central dans ce film qui à la fois humanise les personnages et accentue l'impression de malaise. Là où Kick Ass tentait de choquer avec les quelques moments violents, Super traumatise carrément. Il faut quand même s'imagine notre Frank en train d'avoir des visions de Dieu (scène hallucinante du doigt) et des démons, s'inspirant non de je ne sais quel texte sacré pour répandre la parole du seigneur, mais bien d'une morale de café-tabac appliquée comme je l'ai dit plus haut, avec humeur! C'est du délire complet totalement génial qui évite de nous rabattre les oreille avec de véritables égarement eschatologiques. Le sien est en carton, tellement bidon qu'on se demande comment un être humain peut formuler de telles pensées. Je crois que ce qui résume le mieux cela est le moment où il se met en prière et attend de Dieu un signe pour savoir s'il doit ou non arrêter d'être un super-héros. Le voir à genoux patientant pour qu'il se passe un truc est à la fois à mourir de rire et en même temps riche d'enseignement sur la psychologie profonde du héros. Cramoisette est encore plus cintrée ; en plus d'être complètement nymphomane elle entre dans une sorte de frénésie morbide confrontée à l'action. La scène où ils vont tous deux péter la gueule du présumé rayeur de voiture met très bien en relief son absence de limites. Frank subit d'ailleurs à ce moment là une vague de doutes concernant son association et il ne faut rien de moins qu'une course poursuite assortie d'un meurtre et d'une atroce mutilation pour le pousser dans une fuite en avant totale. La suite se passe de commentaire! Mais le sourire ravi de Cramoisette qui vient de lacérer goulûment un méchant suffit à en résumer la substance. Néanmoins il ne faut pas non plus négliger l'acmé de l'assaut de la villa du "super vilain" dans lequel se déroule une lutte terrible entre le réalisme cynique de ce dernier, opposé aux élucubration névropathiques d’Éclair Cramoisie. En somme Shut Up crime!
Et pourtant, malgré tout cela, le film trouve encore les moyens d'être touchant à la fin. C'est un peu convenu et on prend mal le fait que la belle se retrouve avec un beau, mais les mouvements de caméra sur les dessins arrivent rapidement à faire oublier cela. Super c'est donc super!