Sur le Globe d'Argent aurait pu être le plus grand film de tous les temps. Cette incroyable fresque de science-fiction, je l'ai vue en trois fois, non pour sa durée de plus de 2h30, mais à cause d'un hermétisme assumé qui bloque le spectateur. C'est bien simple: le film est plastiquement l'un des plus splendides qu'il m'ait été donné de voir (j'ai eu l'impression de voir un Tarkovski sous cocaïne), avec une idée de cinéma (au moins) par plan et une exploitation totale des ressources disponibles (du placement de chaque objet/sujet dans le cadre au choix de l'angle de vue en passant par les maquillages, les costumes et les décors), mais les dialogues - et monologues - sont tellement difficiles d'accès, entre philosophie et littérature ésotérique, que voir le film en une fois est une véritable épreuve, à laquelle un cerveau moyen comme le mien n'est pas préparé. On est même tenté de penser que le tout n'a parfois aucun sens, mais ce serait mal connaître Zulawski.
L'histoire-même du tournage est proprement hallucinante: après Diabel, Zulawski est repéré, dans le bon comme dans le mauvais sens du terme. En effet, il lui est alloué un budget dingue pour un film polonais, afin qu'il adapte l'un des romans de son oncle Jerzy, l'histoire de cosmonautes fondant une nouvelle civilisation sur une planète, et qui se retrouvent face à une autre race mi-homme mi-oiseau (les Cherns), mais aussi aux contradictions propres à cette nouvelle civilisation, et à celles de la nouvelle religion fondée. Parabole de l'histoire de l'humanité ayant une forte résonance sur l'histoire de la religion chrétienne, Sur le Globe d'Argent est arrêté par le ministre de la culture polonais, après deux ans de tournage. La plupart des costumes et décors sont détruits par le gouvernement, et Zulawski est contraint de s'exiler en France. De la rage qu'il éprouve alors naîtront deux films majeurs de l'auteur: L'important c'est d'aimer, et surtout Possession, et ce n'est que dix ans plus tard, en 1987, avec l'amorce de la glasnost, que le réalisateur récupérera les bobines de son film, avec un tiers manquant qui ne sera jamais réalisé...les "trous" du scénario sont comblés par une narration de Zulawski en voix off.
Un film incroyable qu'il me faudra revoir pour mieux l'apprécier. La première vision me laisse le cul entre deux chaises, entre ridicule de l'inaccessible et émerveillement cinéphilique.