C'est une critique de @Plume qui avait attiré mon attention sur ce film tiré d'un roman autobiographique de Sylvain Tesson. Et comme je viens de trouver le DVD pas cher, l'occasion a fait le larron.
En général, je fuis un peu ce genre de livre ou film où le héros, nouvel aventurier des temps modernes, ne pourfend plus l'Infidèle mais par contre fait le tour du monde en pédalo ou grimpe sur une montagne pour réussir la photographie du Yéti. Ok, d'accord, étant rigoureusement incapable de telles prouesses, je reconnais que je parle par pur dépit ou évidente jalousie. Même si, en fait, je n'éprouve aucune envie de braver l'exploit sportif … Chacun son trip !
Bon, revenons au film de Denis Imbert (je ne connais pas du tout) avec Jean Dujardin en guest star (que je connais bien et même aime bien).
Là, il y a une dimension supplémentaire à l'exploit sportif qui, à mes yeux, présente un intérêt. Pierre Girard (le Sylvain Tesson dans le film) sort d'une très grave chute avec des fractures multiples puis suivie d'une longue rééducation. Le mental de l'aventurier, resté au top, est en quelque sorte trahi par le corps qui peine à suivre. Le film est le travail de reconstruction du corps mais surtout de réconciliation du corps et du cerveau. La meilleure façon pour notre héros, non recommandée par la médecine, est de plier le corps à la volonté de l'homme en traversant à pied la France du Mercantour à la presqu'ile du Cotentin. En prenant les "chemins noirs" des cartes IGN, en clair, les sentiers, qui peuvent s'avérer casse-gueule.
Je me souviens d'avoir lu et beaucoup apprécié un livre d'Yves Gibeau (encore lui !) "la ligne droite" où le héros, champion de demi-fond avant-guerre doit se reconstruire après-guerre avec un bras en moins pour retrouver les podiums. Donc, oui, le sujet est intéressant.
Restent le scénario et la réalisation.
Côté réalisation, j'ai trouvé le film pas mal. Passons sur les belles photographies du Mercantour, du prieuré de Ganagobie (un endroit magique …), la montagne de Lure puis des monts ardéchois ou cantaliens. Le jeu de Dujardin est très crédible entre l'effort physique à vaincre et les conditions climatiques. La voix off, qui cite des passages du roman, illustre le travail tout en introspection du héros qui cherche à retrouver ou à maîtriser son corps.
C'est côté scénario que j'ai senti quelques faiblesses. Enfin, ce n'est pas vraiment des faiblesses, d'ailleurs. Car, c'est peut-être la volonté de Denis Imbert de vouloir montrer un héros narcissique finalement pas sympathique ou plutôt manquant singulièrement d'empathie envers le reste du monde. L'exemple le plus frappant, c'est celui de la jeune fermière qui vend un fromage et veut manifestement rendre service ; Elle ne se fait pas envoyer sur les roses mais c'est tout juste.
Un autre exemple est l'espèce de condescendance que montre Pierre, le héros, face au jeune Dylan qui fait un bout de chemin avec lui. Ayant compris qu'il n'avait pas vraiment affaire à un intello ni à un bobo parisien, oser lui donner un bouquin et, en plus, en précisant que le bouquin n'était pas trop long, en dit long sur le gouffre d'incompréhension entre les deux personnages.
En conclusion, sujet de reconstruction certainement intéressant, film tout-à-fait regardable au moins pour le jeu de Dujardin et la photographie mais personnage dont je ne me ferai pas violence pour devenir son ami. On peut même comprendre pourquoi la petite amie Anna (Joséphine Japy) en profite pour prendre le large, ne supportant plus les "courants d'air".