Là où Dario Argento sculptait un cauchemar baroque aux couleurs vénéneuses, Luca Guadagnino déconstruit Suspiria pour en faire un film où la danse et pesant. Plus qu'un simple remake, son film est une réinterprétation qui évacue l'onirisme au profit d'une horreur incarnée, charnelle, où le corps est le premier terrain de lutte.

Ici, la danse est un langage occulte, un instrument de domination et de métamorphose. Chaque mouvement, chaque chorégraphie se fait rituel sacrificiel. Olga, prise au piège d'un ballet de destruction, voit son corps brisé, tordu par une force invisible, réduite à une carcasse désarticulée. Cette scène, d'une brutalité insoutenable, cristallise la vision de Guadagnino :un monde où l'esthétique se fait chair, où l'horreur ne surgit pas d'une menace extérieure.

Loin de l'errance éthérée de Suzy Bannion dans la version d'Argento, Susie (Dakota Johnson) n'est pas une proie, mais un pion qui, lentement, se transforme en reine. Le twist final, révélant qu'elle est Mère Suspiriorum, reconfigure entièrement la dynamique du film.

Là où Argento filmait Suspiria comme un opéra de couleurs saturées, un trip sensoriel où l'intrigue n'ếtait qu'un prétexte à
l'expérimentation visuelle, Guadagnino l'ancre dans un contexte historique précis : Berlin, 1977, une ville déchirée entre Est et Ouest, secouée par les actes de la Fraction Armée Rouge.

Là où l'original était un vertige de sensations, un cauchemar hallucinatoire qui n'avait pas besoin d'explication, cette version s'encombre d'un sérieux écrasant. Guadagnino veut conférer à son film une portée intellectuelle, mais dans cette recherche d'ambition, il sacrifie l'essence même du genre.

Son esthétique, terne et froide, contraste avec la flamboyance macabre d'Argento, écrasant toute dimension onirique. L'horreur, délibérément viscérale, s'appuie sur une brutalité frontale qui peine à susciter le malaise durable du film original.

Là où Argento laissait parler la lumière et la musique, cette version s'étire dans des dialogues abscons et une mise en scène qui manque de fièvre. Ce Suspiria veut être une tragédie hantée par I'histoire, une œuvre politique où I'horreur se fait allégorie du pouvoir, mais il finit par devenir un exercice de style figé, étouffé par son propre sérieux.

cadreum
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le 12 févr. 2025

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