Ken Loach est le champion britannique du film social. Que ce soit sous le prisme de la comédie ou du drame, il arrive toujours à égratigner la société du Royaume-Uni en montrant le vrai visage du peuple, qui trime et qui galère. Si je devais comparer Loach à un cinéaste français (et c’est purement subjectif), je choisirai, pour le plus récent, Stéphane Brizé (La Loi Du Marché, Une Vie, Entre Adultes, En Guerre). Bref je m’éloigne. Sweet Sixteen est donc le film qui nous intéresse aujourd’hui. Derrière ce titre « Bittersweet » (je pourrais traduire mais ça fait tellement con en français) se cache l’histoire de Liam. Un glandeur ado (qui a dit pléonasme ???) de 15 ans qui a quitté l’école et vit de trafic de clopes avec son meilleur ami Pinball. Sa mère est en prison, tombée pour protéger le beau-père de Liam, cet enculé de Stan, sa sœur est mère célibataire et se démène aux cours du soir pour tenter de trouver un travail qui lui permette d’offrir un cadre de vie stable à son bébé.


Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais Liam rêve d’une chose. Il souhaite plus que tout libérer sa mère de l’emprise néfaste de Stan, un pervers narcissique et violent de la pire espèce (il force Liam à passer de la drogue à sa mère en taule). Il veut aussi plus que tout trouver un foyer pour sa mère, sa sœur, son neveu et lui loin de Stan et de son grand-père (un enculé de première aussi tant qu’il y’a du pognon à faire). Liam vend donc ses clopes avec Pinball, il se fait casser la gueule, sa sœur le soigne. Stan et son grand-père lui cassent la gueule, sa sœur le soigne. Le seul espoir pour Liam c’est ce nouveau foyer qu’il rêve d’offrir à sa famille. La vente de clopes n’étant pas assez rapide pour gagner rapidement beaucoup d’argent, il décide de voler la drogue de Stan et de la vendre avec Pinball. De là il se fera remarquer par un gros caïd qui décidera de l’intégrer à ses combines et trafics. Et Liam se montrera particulièrement très doué. Prêt à tout pour pouvoir réaliser son but.


Sweet Sixteen est un film qui m’a marqué par son réalisme brut. C’est comme si vous viviez le quotidien de la petite frappe de votre quartier qui vous emmerde pour un paquet de clopes d’Andorre ou une barrette de shit. La force de Loach c’est son style documentaire, caméra à l’épaule. Étant fan de Michael Mann (qui vient du documentaire) certains cadrages et plans m’ont beaucoup fait penser à Révélations. La caméra en retrait qui film les personnages dans leurs actions et leurs jeux de regards (séquence magnifique où Chantelle soigne Liam). La photographie de ce film est sombre, crépusculaire comme un présage des drames à venir. Le seul rayon de soleil qui pointe dans le film est ironique. La violence, aussi verbale que physique, est également frontale. Aucun coup n’est épargné au spectateur, qui les prend en même temps que les personnages. Le film a d’ailleurs été interdit aux moins de 18 ans au Royaume-Uni et en Espagne à cause du mot « Fuck » prononcé 313 fois et du mot « Cunt » prononcé 20 fois (des petites natures ces censeurs).


L’atmosphère du film est poisseuse et quasiment aucune soupape pour pouvoir sortir la tête hors de l’eau. Seul le personnage de Chantelle a la tête sur les épaules. Elle choisit la voie du travail et des études pour offrir une vie meilleure. Elle lutte. Liam, lui a cédé à la facilité en abandonnant ses études. Liam est le symbole d’une jeunesse victime des restes de la politique de Thatcher (vous vous en doutez la meilleure amie de Loach, qui n’hésite jamais à tirer à gros boulets sur elle directement ou indirectement), qui a créé un clivage si grand entre les classes, que celles du bas n’ont plus que la démerde pour tenter de gagner beaucoup d’argent. Chantelle à conscience qu’elle ne gagnera pas beaucoup à être infirmière, mais au moins elle aura sa conscience pour elle et pour son fils. Liam aveuglé par sa volonté de réussir à tout prix pour sa famille, ne voit pas qu’il enchaîne les mauvais choix. S’isolant et s’endurcissant jusqu’à se retrouver à faire des choix catastrophiques et dramatiques.


Paul Laverty, scénariste du film et habitué de Ken Loach, explique l’idée du film a germé pendant le tournage de My Name Is Joe (premier Loach que j’ai vu au cinéma, avec un acteur que j’ai de suite beaucoup aimé, Peter Mullan. Film que je recommande bien évidemment) et impossible pour qui a vu les deux films de ne pas y trouver de nombreux parallèles.


Je ne les citerai pas, je vous laisse le plaisir de regarder les deux films dans l’ordre que vous souhaitez pour tenter de trouver ce qui les rapproche tant.


Et le film de se conclure sur une des fins les plus pessimistes que j’ai pu voir.


On n’oublie pas Sweet Sixteen. Certes grâce au talent de Loach mais surtout grâce au talent des actrices/acteurs, toutes/tous non professionnelles/professionnels, Martin Compston en tête. Jeune footballeur et acteur non-professionnel dont c’est le premier rôle (il a joué dans une bonne vingtaine de film par la suite, son talent ne se remettant jamais en doute). Il arrive à gérer tous les aspects torturés de Liam avec brio, rendant l’attachement au personnage impossible à éviter. Même si le personnage est un branleur qui ne fait que des mauvais choix, sa quête est noble et tous dans notre vie nous souhaitons pouvoir apporter le meilleur à notre famille. Et la chute de Liam ne sera que plus douloureuse pour nous, lors d’un coup de téléphone qui me fais chialer à chaque fois alors que Liam contemple la mer (encore une récurrence chez Michael Mann, en effet chez Mann, quand un de ses personnages contemple la mer, c’est qu’il est temps de prendre une grande et grave décision.).


J’ai tenté de spoiler le film le moins possible pour que l’impact de cette fin soit total. J’espère que vous l’apprécierez autant que moi. Je ne sais pas si je peux être considéré comme cinéphile. J’aime le cinéma et tous les cinémas, et j’aime par-dessus tout l’idée que chaque film que j’aime est une partie de mon être et de mon Âme. Et qu’à chaque critique ou conseil de film je vous offre une partie de ma personne. À mes yeux c’est un des plus beaux cadeaux que l’on puisse faire.

Cybellio
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le 11 janv. 2022

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