La vie dans une base militaire de Hawaï, quelques mois avant l’attaque de Pearl Harbor. « From Here to Eternity » est une charge assez dure envers l’armée, chose étonnante alors que le code de censure Hays était encore en vigueur en 1953. Et surtout, l’armée avait apporté son soutien logistique pour le tournage, et avait un droit de regard sur le scénario !
On y suivra trois personnages tourmentés, qui oscillent entre des corvées abrutissantes et des soirées alimentées à l’alcool et la prostitution (suggérée, code Hays oblige).
Un soldat têtu et droit dans ses bottes, qui servira de souffre-douleur. Une poignante prestation de Montgomery Clift, à l’aise avec ce type de rôle (on le verra dans « The Young Lions » jouer un personnage similaire). Et un vrai paradoxe, notre héros veut exister et vivre avec ses valeurs, tout en voulant faire carrière dans un système qui le broie en permanence. Par de la cruauté gratuite ou des tâches péniblement absurdes visant à le faire craquer.
Un autre soldat, bon-vivant, est incarné par Frank Sinatra. Plus libre en apparence, il commettra quelques erreurs qui lui coûteront cher. Une (fausse) légende tenace raconte que Sinatra aurait décroché le rôle de part ses connexions mafieuses, ce qui aurait inspiré Mario Puzzo pour l’introduction de « The Godfather » ! Alors qu’en réalité, un piston plus conventionnel aurait été derrière tout cela.
Enfin, un sergent charismatique, incarné par un flamboyant Burt Lancaster. Qui a la mauvaise idée de tomber amoureux de… la femme de son officier supérieur ! En découlera la scène la plus célèbre (et la plus parodiée) du film, cette séquence de baiser langoureux sur une plage, au milieu de l’écume sensuelle.
D’ailleurs, outre ses personnages forts, son message osé pour l’époque, et son scénario dramatique, le film bénéficie de la mise en scène maîtrisée de Fred Zinneman. Si cette séquence de la plage est la plus connue, le réalisateur est très à l’aise dans les affrontements psychologiques, ou physique. Ou dans l’attaque de Pearl Harbor, malheureusement un peu courte (mais ce n’est certes pas le sujet principal).
Un aspect fait en revanche un peu tache : un deus ex machina assez grossier dans le dernier tiers. Il aurait vraisemblablement été imposé par l’armée US, et aurait fortement déplu au réalisateur et son équipe.
Cela n’a pas empêché « From Here to Eternity » de remporter un joli succès public et critique en son temps, et de demeurer un petit classique dans son genre.