Alors, cela commence par une atmosphère qui se veut celle d'une comédie horrifique, avec un débile profond comme protagoniste, semblant tout droit sorti d'un Bruno Dumont, cassant les couilles à tout le monde, qui va se transformer en loup-garou. OK, très bien... Il est élevé par un oncle complètement teubé qui croit aux croquemitaines. Et il a comme petite amie, une fille aussi belle que stupide. Le tout dans un coin bien paumé de notre beau pays, avec comme seules activités, un monument aux morts et un salon de massage... parfait... parfait
Donc, d'accord, va pour une comédie horrifique lycanthrope avec pour personnages principaux des êtres qui ont un QI aussi bas que les températures moyennes en hiver à Vorkouta, qui se déroule dans le contexte assez original d'un bled bien profond de la France profonde et de la faune qui l'habite. Je suis prêt à me marrer du début jusqu'à la fin.
Ah bah non, finalement, en fait, le protagoniste n'est pas un débile profond qui casse les couilles à tout le monde, mais juste un simple inadapté social qui peut tout à fait bien s'exprimer. Ah bah non, l'oncle n'est pas si teubé que cela. Ah bah non, la petite amie stupide est une jeune fille normale. Ouais, ouais, parce que... parce que les réalisateurs Ludovic et Zoran Boukherma se sont décidés à faire dans la totale rupture de ton, tout en ne sachant pas que pour cela, dans cet exercice possible, mais très délicat et très difficile, il est essentiel de rendre crédibles les personnages à ce glissement (non, des idiots devenant d'un coup plus intelligents, ça ne fonctionne pas !) et de ne pas passer de la comédie horrifique s'annonçant bien chtarbé à un drame humain se voulant réaliste par rapport à son sujet fantastique ; ses deux registres sont beaucoup trop opposés pour que l'on puisse passer naturellement de l'un à l'autre.
Et c'est con d'avoir fait cela étant donné que le scénario, dans les grandes lignes, aurait pu aussi bien fonctionner totalement dans la comédie horrifique délirante que totalement dans le drame humain réaliste avec immersion du fantastique. Souvent, c'est beaucoup mieux de garder un ton uniforme de la première à la dernière seconde.
Je passe sur le fait que la séquence d'intro est juste là pour faire "il faut impressionner dès le début avec un meurtre en flashforward" alors qu'à aucun moment du reste du film, on entend parler de meurtre individuel sur des êtres humains. La transformation aurait gagné à être plus progressive, à montrer aussi le village plus perturbé par ce qui se passe (c'est à peine si cela ne leur paraît pas normal qu'un jeune homme puisse se transformer en loup-garou !), etc.
C'est regrettable, car les cinéastes peuvent réussir à instaurer de la terreur juste avec un plan fixe, en ne montrant jamais la créature (pour des raisons de budget sûrement !), les acteurs s'en tirent avec les honneurs, le portrait de la France profonde est certes appuyé, mais avec une foultitude de détails justes. Mais bon, même en occultant les invraisemblances, juste en ne sachant pas quel ton adopter, le film n'arrive pas à bien raconter une histoire.