Des fois je ne cracherais pas sur une note d’intention fournie par les auteurs…
Parce que là, face à des films comme ce « Teddy », je m’interroge quand même pas mal.
Non mais franchement : ils ont voulu nous faire quoi là les frères Boukherma exactement ?
Faire un film de genre décalé ?
…C’est tout ?
C’est en tout cas ce qui est affiché par les premières minutes…
Et honnêtement ça aurait pu le faire me concernant car d’habitude c’est clairement le type de démarche qui me parle.
Tous les codes du genre sont ici mobilisés pour être déconstruits.
Le référentiel est d’ailleurs simple, unique et clairement identifiable : le slasher américain.
Héros adolescents, petite communauté où tout le monde se connait comme cadre d’action, élément fantastique classique de rajouté par-dessus l’ensemble : tout est bien là.
Le film se paye même le luxe d’afficher ostensiblement ses intentions en s’ouvrant sur une commémoration de la guerre de 40 ; une commémoration où rien ne va.
Rien n’est à la hauteur de l’évènement. Le maire est pataud. Les anciens combattants sont avachis. La Marseillaise est chantée fausse…
…Et surtout il y a Teddy et son T-Shirt à motif de dragon.
Mains dans les poches. Gueule de con. Ne pouvant s’empêcher de pouffer.
Personne n’est à la hauteur de l’évènement.
Tout est désacralisé. Ridiculisé. Mais malgré tout ça reste bon-enfant…
Une sorte de croisement français entre « Fargo », « Pétit quinquin » et « Dikkenek »…
Le genre de croisement dont je suis donc d’habitude client.
Je l’ai d’ailleurs été face à ce « Teddy » durant un bon quart d’heure, mais malheureusement pas au-delà…
Je dis « un bon quart d’heure » parce que c’est le temps qu’il a fallu au film pour faire le tour de toutes ses figures à désacraliser.
Désacralisation du héros, de l’adjudant de gendarmerie, de l’oncle et de la tante, de la petite copine – et même du « grand méchant loup » – et puis une fois le petit tour opéré, eh bien plus rien…
Et quand je dis « plus rien », je ne dis pas qu’il n’y a plus rien à l’écran. Non j’entends juste par là le fait qu’il n’y a plus rien de neuf.
On reste sur les mêmes postures ; sur les mêmes moqueries…
Même les petites blagues visuelles qui agrémentaient le début du film finissent par disparaitre.
…Et c’est con franchement parce que ces blagues là relevaient là aussi d’un état d’esprit que j’adore !
Voir l’oncle repasser et étendre les T-shirts de Teddy qui se révèlent être tous identiques, ou bien constater après leur dépôt de plainte qu’ils avaient parqué la tante en fauteuil roulant sur la place handicapée, sur moi c’est des gags qui marchent…
…Au-delà du premier quart d’heure, c’est donc le néant.
Et c’est là, moi, que j’ai clairement besoin d’une note d’intention.
Parce qu’au bout d’un moment le décalage initial est forcément installé !
Et sans dynamique dans l’exploration de ce décalage, le nouveau cadre finit par s’installer comme une nouvelle norme…
…Et il ne peut dès lors que s’enliser.
Or c’est exactement ce qui se passe avec ce « Teddy ».
L’enlisement est rapide car il n’y a clairement plus d’intention d’exploration d’une démarche ou d’un propos.
Dès lors, de film décalé, « Teddy » se réduit très rapidement à une banale série B, avec toute la pauvreté, la lassitude et le manque d’intérêt qui en découlent.
C’est bien simple, sur les deux derniers tiers j’ai cru revoir le « Grave » de Julia Ducournau.
…Et je ne pense pas que ce soit un hasard.
Parce qu’il faut savoir qu’ils n’en sont pas à leurs coups d’essai les frères Boukherma.
Quelques années plus tôt ils avaient déjà tentés de percer avec « Willy 1er » ; un film qui avait lui-aussi tenté de surfer sur la tangente avec un héros atypique ; pour ne pas dire débile.
Pour ma part, « Willy 1er » ça n’avait pas réussi à faire ce que ça cherchait à faire, mais au moins ça avait essayé de faire quelque-chose.
Là, avec « Teddy », j’ai vraiment l’impression que les deux frères se sont repliés sur une formule qui a davantage fait ses preuves.
…Et c’est vrai qu’on peut comprendre la tentation, tant le succès de « Grave » a été au moins équivalent à l’imposture artistique qu’il constitue.
Ducournau – telle que je la perçois – c’est la nouvelle « Nouvelle vague ».
Son cinéma est juste celui d’une posture ; celle d’une sociologie nouvelle qui entend remplacer les codes de la génération précédente par les siens.
Avec ce « Teddy », les frères Boukherma se sont engouffrés là-dedans, faisant ainsi de leur film la simple déclinaison de cette recette légère et facile, au détriment d’une quelconque audace.
Est-ce que ça leur apportera le graal pour autant ? Pas sûr…
Car il faut savoir qu’en art « contemporain » l’œuvre ne suffit pas. L’identité des auteurs compte aussi pour beaucoup…
…Pour ne pas dire pour l’essentiel.
Pour ma part me reste donc finalement ce triste constat.
« Teddy » aurait pu être un film sympa, mais pour cela il aurait fallu qu’il aille au-delà de son simple postulat. Qu’il creuse. Qu’il explore. Qu’il cherche au-moins à dire quelque-chose…
C’est terrible – je trouve – de voir à quel point certaines et certains peuvent se satisfaire d’un tel manque d’ambition cinématographique…
C’est même plus que terrible…
…J’irais même jusqu’à dire que c’est « Grave. »