Critique rédigée en août 2020
Un agent secret issu de l'espionnage international à l'identité inconnue (John David Washington) se voit chargé de détourner l'éclatement de la Troisième Guerre mondiale par le biais du Tenet, programme d'inversion temporel. Accompagné des imprévisibles Neil (Robert Pattinson) et Katherine (Elizabeth Debicki) pour déjouer les ambitions du sordide milliardaire russe Sator (Kenneth Branagh) dans une dimension abracadabrante où passé, présent et futur se confondent.
Un nouveau film de Christopher Nolan (observez cet étonnant détournement de la métonymie !), c'est toujours une nouvelle pochette surprise que nous sommes impatients d'ouvrir, une véritable boîte à mystères où chaque objet-clé, chaque personnage et chaque décor dégage une vague interprétation. L'idée atteint son paroxysme dans ce très attendu Tenet, d'or et déjà présenté comme un savant -au premier degré du terme- mélange entre James Bond et Inception, dont il puise une partie de son concept.
L'aspect chewing-gum du scénario frappe d'emblée, puisque le réalisateur britannique le déforme plus que jamais pour notre plus grand plaisir mais pour autant...sans vraiment nous permettre de le mâcher. En tant que fourmilière à techniques cinématographiques de l'ellipse temporaire (flash-forwards, flashbacks, uchronie, toutes ou presque y passent), le film livre un travail réussi appliquant les codes du mindfuck donc parfait sujet à théories.
Le concept prend racine par une idée somme toute simple trahissant les lois de la physique classique, usager d'un vocabulaire technique sans doute approprié, mais extrêmement déroutant à la longue.
D'autant que les sauts dans le temps, dans un premier temps imagé par le mouvement des balles rebondissantes, ne sont pas toujours clairement visibles et se confondent régulièrement avec de simples retours en arrière.
Heureusement, les scènes aux effets temporels se révèlent visuellement bluffantes, généreuses en chorégraphies d'une efficacité redoutable entre courses poursuites et exploration de terres en tout genre, très bien servies par des séquences plus "calmes" dont cette scène d'introduction d'une richesse effarante. Nous regretterons amèrement le négligemment de quelconque sentiment, et du postulat trop moindre réduisant l'ensemble du métrage au statue d'expérience plaisante plus qu'enrichissante, là où les précédents Interstellar et bien entendu Inception se revisionnent incessamment pour leurs multiples enjeux émotionnels (pour l'un) et métaphysiques (pour l'autre).
Par exemple, là où le récit est déséquilibré, le cas des personnages. L'idée de ne jamais nommer le protagonistes masculin principal (à savoir le personnage incarné par J.D. Washington) rend à son rôle de "sauveur de l'humanité" une certaine universalité, celui de Michael Caine entre autre, reste bien trop en seconde zone et en devient transparent.
Le tout est accompagné d'une bande originale de style électro-ambiante, en contradiction avec les productions habituelles du cinéaste accoutumé aux titanesques compositions symphoniques avec son ami Hans Zimmer à la baguette. Rythmée par les synthés de Ludwig Göransson (Black Panther, la série Star Wars: The Mandalorian) marchant sur les pas d'un dubstep désarmant et nerveux à souhait, elle parvient à approprier au film son lot d'angoisse.
À l'arrivée, Tenet apparaît comme un projet enjoué n'ayant nulle autre ambition que de réinvestir les codes du film à puzzles pour en tirer un résultat fort plaisant marchant sur les pas de l'absurde de Terry Gilliam. En plus d'être un enjeu au vue du contexte pandémique actuel, c'est une parabole à l'efficacité inébranlable favorable à susciter un débat passionnant: Nolan signe-t-il un film uchronique avant l'heure?