The Apprentice
6.9
The Apprentice

Film de Ali Abbasi (2024)

En dehors du contexte politique actuel (élections en vue), il n’est pas étonnant de voir porté à l’écran une partie de la vie de Donald Trump ; le destin de ce dernier étant hors norme et sa personnalité particulièrement clivante. Vu de France en tout cas, le caractère outrancier et les excès du milliardaire et ex-(futur ?) président des Etats-Unis ne sont pas particulièrement bien perçus. C’est pourquoi il est intéressant de se plonger dans une fiction tentant de d’expliquer et comprendre comment Donald est devenu Trump.


Là où « The Apprentice » est réussi c’est qu’il ne cherche pas forcément à enfoncer son protagoniste ni à monter un dossier à charge partisan. En tant que spectateur on ressentirait presque une forme d’empathie envers ce jeune loup aux dents (très) longues. Nous ne sommes finalement pas si loin de « Barry Lyndon » (référence cité par le réalisateur) dans les sentiments ambivalents (fascination vs dégout) que peuvent susciter Trump et le héros du Kubrick.


Sauf qu’ici, Ali Abbasi pousse le curseur un cran au-dessus en transformant petit à petit son personnage principal en un monstre assoiffé de pouvoir (nombreuses allusions à son futur mandat) et d’argent (symbole des années Reagan de son capitalisme décomplexé). Le thème du mal est central dans le long-métrage : on peut penser évidement au pacte avec le diable lorsque Donald Trump décide de se faire conseiller par un Roy Cohn sans foi ni loi. Mais c’est surtout à Frankenstein et à sa créature que le récit fait écho :

Roy Cohn est le docteur dépassé par sa création qui finira par le tuer : ici c’est évidemment symbolique mais le repas d’anniversaire organisé par Trump avant le décès de Cohn est particulièrement cruel. Et il y a bien sûr cette opération chirurgicale finale (les agrafes dans le crane en particulier) qui achèvera la transformation de la créature sous la forme que nous connaissons actuellement.


L’angle d’approche, faisant se croiser le destin de ces 2 anti-héros

,l’un vers son succès/déshumanisation et l’autre vers sa mort,

donne à ce biopic une ligne directrice simple mais efficace l’écartant ainsi des sentiers balisés du genre (pas de rappel à l’enfance malgré la forte présence du clan Trump et absence des habituels textes finaux à base de « que sont-ils devenus ? »). Sans compter qu’Ali Abbasi sait dynamiser son long-métrage (montage nerveux à la Scorsese/Schoonmaker) et lui donner un cachet particulier avec son image un peu « sale » (en contraste du faste des palaces Trumpien) parfois proche de la vidéo.


Enfin, comme tout bon biopic qui se respecte, il convient de faire honneur aux interprètes : le duo formé par Jeremy Strong et Sebastian Stan est d’une efficacité redoutable. Le premier, arrivant à se démarquer du Kendall Roy de « Sucession », est fascinant par sa voix, son phrasé et sa gestuelle : il est délicieusement détestable. Quant au second, il est confondant de ressemblance avec son modèle sans tomber dans le piège de l’imitation ; cela en devient de plus en plus troublant au fur et à mesure que le récit avance.


Même s’il est logique que le film s’arrête en cours de route

(une fois Roy Cohn mort et la transformation psychologique et physique de Trump achevée, le propos est complet)

, il serait presque frustrant de ne pas continuer à suivre une histoire toujours en train de s’écrire ; pour le meilleur et pour le pire….


Doof-Warrior
7
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le 31 oct. 2024

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