The Apprentice
6.9
The Apprentice

Film de Ali Abbasi (2024)

Aucun a priori sur Donald Trump. J’entends ce qui se dit mais je ne connais ni sa carrière, ni les éventuelles affaires dans lesquelles il aurait trempé, ni ses frasques, ni ses affaires, ni ses réussites, RIEN. Tous mes questionnements et toutes mes réflexions sont faits sans aucune connaissance de base du personnage, j’ai donc suivi ce que me présentait le film que ce soit une réalité ou une fiction.


Comme ça concerne un personnage controversé je m’attendais à un film à charge ou à décharge. Je ne saurais pas dire ce que c’était mais ça ne m’a réellement fait l’impression ni de l’un ni de l’autre.


Ce qu’il en ressort c’est l’histoire d’un homme timide et ambitieux qui va devenir puissant et dur.

Ce cheminement d’un être presque innocent vers quelqu’un de potentiellement détestable était à mon sens un peu grossier. Les motivations des personnages et leurs évolutions n’étaient pas claires donc peu crédibles. En conséquence je n’ai pas non plus compris quelles étaient les motivations et/ou le message du film. Vraiment spécial en ce sens.

Pour autant les deux heures sont passées très vites, c’était divertissant, rythmé et sympathique une fois accepté le fait de le décorréler de toute réalité humainement logique.



Flou des motivations/évolutions des personnages

  • Ivana 

On voit un personnage revendicateur, indépendant, affirmé, intelligent, gentil, puis une femme bafouée, enfermée dans un rôle… Je crois que c’est le seul personnage où je me suis demandée si elle avait participé au scénario pour se décrire comme ça (je laisse ma phrase mais j'ai appris après qu'elle était morte en 2022, je sais pas si elle a écrit une bio, un témoignage quelconque ou si des proches l'auraient fait). En tout cas c’est la façon dont je me décrirais et tournerais les choses si j’étais opportuniste, vénale, manipulatrice et que je voulais défendre ma position.

Je rappelle que je ne la connais pas. Elle est présentée de cette manière pourtant dans les faits du film elle finit séduite parce qu’il la faite entrer dans un club ; qu’il lui paye la table à elle et ses amies ; qu’il la ramène en limo ; qu’il la courtise par des cadeaux, etc., je ne voyais pas la cohérence avec la femme fière qui prétendait ne pas manger de ce pain-là. Si c’est sa grandeur d’âme qui l’a séduite ça n’est clairement pas montré dans le film.

Sans compter l’épisode sur le contrat de mariage (qu’ils ont fini par signer ou non ?) dans lequel elle se récrimine d’une pension de 20k par an en cas de divorce et du fait de devoir rendre les cadeaux faits dans cette éventualité. Les cadeaux j’avais l’impression que c’était pour faire genre que c’était ça le problème parce que ça paraît évidemment excessif et revanchard mais la pension qu’elle mentionne avec un dégoût sur les lèvres comme si ce n’était pas énorme est plus suspicieux. Je ne comprends encore une fois pas la cohérence avec la femme du début qui n’attend rien d’un homme, encore moins d’être entretenue ou un simple trophée.

Quand elle a rencontré Trump elle disait être en couple, être amoureuse, être fiancée. Bon bah un gros riche vient te payer des trucs et c’est réglé. Le fait qu’elle soit « prise » fait pour moi partie de ce qui peut attiser encore plus l’envie d’un personnage comme Trump est décrit. Le fait qu’elle joue la femme prête à ne pas se marier s’il y a ce contrat qui est insultant pour ses sentiments également.

De même pour l’épisode où elle révèle à Roy que le cadeau de Trump est du toc. On dirait que c’est la fin du monde. Alors pour des gens pour qui la valeur qu’on te donne passe par la valeur des cadeaux qu'on te fait je comprends mais moi la première chose que je me suis dite (sans doute très naïvement) c’était pas « oh il le valorise pas, ce ne sont pas de vrais diamants », c’était « le pauvre peut-être qu’il est en difficulté financière et galère à maintenir les apparences, ça doit être dur de devoir mener ce train de vie pour rassurer des associés/partenaires, tout un entourage ».

BREF. J’apprécie quand même l’actrice et le personnage, je l’ai juste trouvé pas cohérent. Comme si on avait forcé pour faire transparaître la manière dont elle se voit malgré ce qui est véhiculé par ses actes réels. Ça colle pas mais il aurait pas fallu froisser sa mémoire.



  • Roy Cohn

J’ai essayé de voir des vidéos YT d’interviews pour voir sa façon d’être/de se tenir. Il semble tellement caricatural à faire les gros bras au début puis le malade en phase terminale à la fin que j’étais par moments gênée. N’ayant pu voir à quel point c’était peut-être une interprétation parfaitement respectueuse je laisse le bénéfice du doute sur ce point.

Néanmoins ce qui reste assurément trouble ce sont les raisons qui l’ont poussé à faire de Trump son poulain, son fils spirituel limite. Le sujet est éludé par « je l’aime bien ce petit, il en a ». Oui… Ok… Mais encore…

Puis ses chocs de vierge effarouchée face à des comportements de Trump quand il gagne en indépendance alors qu’il était lui-même le spécialiste des coups de traître à tire-larigot sont – là encore – amenés trop facilement, sans transition. Non la maladie ne suffit pas à expliquer ses surprises, incompréhensions face à ça.

Pour autant le personnage a amené une belle complicité et une affection pudique entre Trump et lui. Ultra mignon et touchant.



  • Trump

Déjà dès le départ je n’ai même pas compris à quel point sa famille était riche, puissante et/ou influente. Jusqu’au bout je ne comprends pas ce que je suis censée comprendre.

Ensuite le revirement de personnalité le faisant passer de quelqu’un de presque attachant, qu’on veut voir réussir à un homme sans sentiment, imbu de lui-même et supposément mauvais (que j’ai apprécié quand même) est perturbant parce que soudain. Avec grossièreté on veut nous faire comprendre que c’est dû à la mort de son grand frère qui a été comme un bouton « on/off » du « mode : connard ». Ridicule. Pas plus d’explication, pas plus d’évolution.

Enfin le fait qu’il relègue Roy Cohn en marge de sa vie. On nous tisse toute une relation pour qu’il disparaisse sans raison. Parce que plus utile ? Oui mais on nous montre quand même qu’il a un « soft spot » pour lui en s’enquérant quand même de sa santé et même le cadeau censé être minable pour son anniversaire je n’en retiens que le fait qu’il a quand même pris la peine de fêter cet anniversaire avec lui. Donc je ne comprends pas ce que le film essayait de dire à ce sujet.



Trump le méchant ou l’innocent ?

Je maintiens que je n’ai pas eu le sentiment de voir un plaidoyer contre Trump. CEPENDANT, il y a des scènes, des évènements où je me suis dit qu’ils voulaient quand même soit le décrédibiliser, soit se moquer, soit montrer un aspect mauvais. Sauf que ça a eu un peu l’effet inverse et c'était peut-être voulu.


Trump qui fait chanter

À l’aide de son ami l’avocat Roy Cohn, Trump va faire pression sur divers politiciens pour faire avancer ses projets. Bouuuh c’est pas bien… Mais moi ce sont ces politiciens qui me foutent le seum ! Aucune pitié pour des personnes qui font passer leur réputation, leur position, leur ambition avant le bien d’une ville, d’une économie, de finances publiques, de populations. C’est cynique mais pour moi il était là le premier problème.


Trump la petite merde

Le Trump du début du film qui ne sait pas où se poser. Qui n’est pas « cool ». Qui se fait un peu dominer. Je sais pas si le but était de le rendre ridicule ou au contraire de le montrer comme une des seules personnes pas vérolée. Il ne boit pas, ne fume pas, ne se drogue pas, ne va pas coucher à droite à gauche dans leurs soirées, etc. Sa première réaction est même de se récriminer face aux enregistrements illégaux de Cohn.


Trump le narcissique

On suit l’opération de sa liposuccion et celle pour sa tonsure. Encore une fois, je sais pas si le but était de le ridiculiser pour sa vanité ou ancrer une image de gros lard à calvitie parce que parallèlement ils prêtent au personnage des paroles d’autodérision sur le sujet qui viennent contrebalancer ça. Du coup ça laisse un goût de vulnérabilité touchante.

Ou alors c’était pour accompagner son changement de caractère avec le « changement » physique.


Trump l’ami pas sympa

Bien que la relation avec son avocat soit attachante, je n’ai éprouvé aucune pitié à l’idée que Trump soit pas cool de le délaisser voir le pousser dans le néant. C’était censé être un connard aussi de base cet avocat donc je n’étais pas plus choquée que ça. Je n’ai pas trouvé Trump spécialement mauvais pour ça. Sans doute aussi car toutes les raisons de l'existence de leur relation étaient floues (on y revient) donc toutes les possibilités, même des légitimes, pour que ça tourne mal sont envisageables.


Trump le propriétaire qui récupère les loyers des pauvres

Dans une scène on le voit toquer à plusieurs portes pour récupérer les loyers de son immeuble. Certains n’ouvrent pas, certains l’agressent, certains lui donnent de l’argent mais pas la totalité, certains tentent de négocier, certains paient…

Là encore, je ne savais pas si le riche en imper était méchant pour faire son travail parce qu’on ne voit que des cassos en mauvais état. Et en même temps on montre l’exaspération de Trump qui gueule à un moment car ce sentiment n’est pas l’apanage des « pauvres » et que factuellement il n’y a aucune raison qu’un logement soit gratuit et en tant que propriétaire il ne fait rien de mal à collecter son dû. Donc ça contrebalançait cet embryon de critique.



Du coup est-ce que c’est vraiment un méchant, est-ce que c’était même le but ? On dirait qu’il est presque déresponsabilisé de toutes ses actions en un sens vu les personnes à qui il a affaire et le fait qu’il ne soit pas l’acteur principal des manigances (soudoiement, menaces, chantage, contrat de mariage, etc.). Le viol conjugal que je mentionne rapidement parce qu'évoqué tout aussi rapidement est le seul vrai mouv' indubitablement choquant et qui crée l'indignation.




Ce qui domine comme sentiments après le visionnage :

Des pièces de puzzles qui s’imbriquent mal

Je reste avec le sentiment que la volonté était de montrer un personnage fictif qui devient mauvais ou tout au moins cynique et qu’on a voulu coller ce développement à une personnalité existante. Comme on connaît des faits réels de la vie de cette personnalité on a essayé et un peu forcé cette vision de son évolution à rentrer dans la case de la réalité ce qui rend parfois le rattachement grossier et expéditif.

Forcé de faire rentrer ça de manière à ce que ça suive le fil rouge de l’amitié avec l’avocat et la perte d’un grand frère.


Message flou

Si certaines relations ou certains développement sont flous c’est avant tout le flou du message du film qui reste grandement perturbant.

Je ne sais pas si c’est de la malhabilité ou du génie que ce soit si peu cernable. En tout cas je crois que j’aime ça et que le film est visionnable indépendamment de toute l'actualité politique américaine (en tout cas pour des gens qui n'ont pas le droite vote là-bas sans doute).


Divertissement

In fine, c’est une histoire qui reste divertissante, facile à suivre, stimulante. Les deux heures sont passées à l’aise Blaise.

Sebastian Stan magistral a disparu au profit de Trump, Jeremy Strong me laisse dubitative entre surjeu ou imitation parfaite.

J’aurais aimé suivre l’histoire jusque de nos jours.

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le 3 nov. 2024

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