Youth without truth
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le 9 oct. 2024
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Ce film vient rattraper notre manque de connaissance sur le sujet Trump. Rappeler que pour une certaine intelligentsia new-yorkaise, le gars fut une idole, un millionnaire starisé considéré comme glamour et synonyme de succès, bien avant de devenir star de téléréalité et homme politique idole des néo-conservateurs.
Vous n'en avez pas envie ? Moi non plus. De la même façon que les spectateurs du dictateur de Chaplin n'en avaient pas forcément envie non plus. D'autant que là,le taux de rigolade est inversement proportionnel aux nombre de mensonges débités par son personnage principal. Pourtant ce film, à sa manière mineure, propose aussi une vision dépassant son sujet premier.
Dans le roman culte American Psycho de Brett Easton Ellis, le héros est trader et un psychopathe auteur de meurtres horribles sur des femmes. Et l'idole de ce gars, qui est un monstre, est Donald Trump. Certains grands écrivains, c'est vérifié, ont des dons de clairvoyance, et chacun(e)s jugera s'il avait mis dans le mille.
Nous découvrons un jeune Donald qui aime ce qui brille, une coquille vide et opportuniste en quête d'un gouvernail pour sortir de l'ombre de son riche entrepreneur de père, ce qu'il va trouver en la personne du célèbre avocat Roy Cohn, magistralement interprété par un Jeremy Strong comme possédé. Pour une raison obscure (désir?), ce mentor magouilleur machiavélique et doté d'un grand entregent est séduit par le potentiel du jeune Donald, à qui il va enseigner l'art de gagner, ouai bébé. En trois règles _ qui n'ont pas leur place dans ses lignes.
Son ascension se suit d'un trait, le film trouvant le moyen de nous intéresser à cette énorme baudruche lancé à l'assaut du ciel new-yorkais, cet homme si médiocre humainement sous le fric, les paillettes, le marbre rose et l'épiderme orange. Sa réussite américaine jusqu'à la caricature. Bigger than life en un sens, le plus pourri de l'intérieur et le plus vide. Et qu'est-ce que le mal, sinon l'absence de bien ?
Pour la première fois, on touche du doigt la glaise du personnage et c'est fascinant. Et éprouvant. On voit bien cette tendance lourdes issue des séries anglo-saxonnes de prendre pour héros central un sale type, dont nous découvrirons les facettes jusqu'à le rendre humain. Mais là, les rires de la salle pour saluer la poignée éparse de gags à l'écran mouraient dans les gorges. Car si il a été évoqué la difficulté à représenter ce gars dans une fiction, ce film semblait trop réel.
Son interprète, Sebastian Stan, livre une performance énorme digne de celle de Jeremy Strong, ce qui n'est pas peu dire. On notera au passage les piques adressée à l'upper middle class East coast superficielle des années Reagan, dont la décadence n'a pas attendu l'Amérique d'aujourd'hui, y compris son milieu artistique, où la rencontre avec Andy Warhol est avérée. Mais s'il se montre sans complaisance à l'égard de ses personnages, le film laisse en partie le spectateur juge, d'où un possible syndrome Scarface chez les plus impressionnables ou réacs _ comme dans la vraie vie, donc.
Un petit bijou en tandem scénar/réalisation, fouillé, nerveux mais laissant place aux nuances. Pour le premier on retrouve la plume de gabriel Sherman, l'auteur de The Loudest voice , excellente mini-série sur la genèse (déjà) de Fox News. Qui confirme son talent. Tandis qu'Abbasi s'avère un cinéaste intéressant, confirmant peut-être qu'il n'y a pour l'heure que des cinéastes étrangers capables de s'attaquer au maelstrom secouant les États-Unis.
Leur duo démaquille le show d'un Manhattan dont les brillants reflets ne se trouvent plus que dans les caniveaux. Sans gras. Sauf à la ceinture de son personnage, auquel il serait criminel de consacrer un tel film, si ce n'était si nécessaire. Recommandable. Potentiellement accablant.
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Créée
le 10 oct. 2024
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