Le jeu du chat et de la chauve-souris

Qui de mieux que le justicier de Gotham pour redonner ses lettres de noblesse à un genre devenu trop conventionnel, de nos jours ?


Plusieurs grands défis étaient à relever pour le dernier né des studios DC. Entre autres, il fallait réussir à rendre crédible un Robert Pattinson injustement sous-évalué dans la tenue d'une des plus grandes icônes de la pop culture. Réussir à passer après l'intouchable trilogie de Nolan et, surtout, réussir à transcender un univers déjà très connu tout en respectant l'esprit originel des comics et/ou des premières adaptations au cinéma de la chauve-souris, en y apportant sa touche personnelle. Pari réussi pour Matt Reeves ? Dans mon cas, la réponse est un grand oui !


Ce n'est pas une, ni deux mais trois intrigues qui s'imbriquent dans The Batman, qui se lient et se mêlent pour un final de haute volée. Amoureux des thrillers, S7ven et Zodiac pour ne citer que ces deux là, le film de Matt Reeves est une bombe à retardement qui ne m'aura pas donné l'impression de durer trois heures tant le rythme est finement calibré et les enjeux de l'histoire posés en grande pompe ! Le scénario étant remarquablement bien construit, la force de The Batman réside dans la détresse de ses personnages face à une menace oppressante, quand le justicier n'est pas occupé à défoncer la gueule des méchants il est pris par des jeux de piste et une enquête quelque peu complexe, mais cependant très compréhensible à comprendre.


Si l'histoire s'avère aussi passionnante à suivre et la ville de Gotham aussi crédible à l'écran, c'est en partie grâce à ses acteurs qui donnent corps à leurs personnages respectifs. Robert Pattinson en l'occurrence parvient à s'adjuger le charisme de Batman et y ajoute sa tête confinée aux prismes de la folie d'un seul homme, portant sur ses épaules un passé douloureux tout en prenant conscience de ses privilèges.


Les seuls reproches qu'on pourra alors lui faire c'est d'avoir été pendant longtemps l'idole des adolescentes et quand il n'a pas son costume, ses mèches rebelles finiront d'achever ses détracteurs qui n'auront que la forme à lui reprocher, car dans le fond, Robert Pattinson est certainement le Bruce Wayne le plus convaincant qu'il m'ait été donné de voir, bien plus touchant que ses prédécesseurs. En recherche de repères, pour se reconstruire, donner du sens à son existence en tant qu'homme de l'ombre. Le Batman version Pattinson est à l'image de ce premier film, un segment introductif à une potentielle nouvelle saga et la reconquête d'un homme perdu dans sa propre ville, à l'aube d'une ère nouvelle. Le réalisme exacerbé qu'on tente d'imposer aux films Batman ne permet pas de rendre justice à l'expressionnisme allemand - Nosferatu, Faust - dont le justicier tire ses veines et la pléthore d'ennemis fantasques et fantastiques auxquels il se confronte dans les comics. C'est un polar à la fois gothique, décérébré, crasseux et porté par le chevalier noir de Pattinson qui devra contrôler ses névroses persistantes et destructrices pour venir à bout de ses ennemis.


The Batman ne gagnera probablement pas l’adhésion générale du public, et encore moins celle de tous les fans de la chauve-souris à travers le monde. Au contraire, il y a fort à parier qu’il divisera, animera les débats, et c'est mieux comme ça. C'est le signe d'un film qui aura pris des risques, là où d'autres y verront une énième tentative boursoufflée. Avec ses acteurs remarquables, ses nombreux petits détails dissimulés d'un bout à l'autre, et son ambiance poisseuse, où les séquences de nuit prennent une véritable dimension pour y laisser s'exprimer la caméra de Matt Reeves, The Batman s'impose de lui-même, malgré un ventre mou au milieu du film, des lenteurs qui se font parfois ressentir et la face reveal du grand méchant qui m'aura un peu refroidi au moment de sa découverte, le nouveau bébé des studios DC est un petit bijou bourré de qualités. Sa mise en scène est à la fois ahurissante de maîtrise, et l'utilisation des effets spéciaux n'est pas là pour impressionner le plus de spectateurs possibles, cette utilisation a un réel impact sur les tenants et les aboutissants de l'histoire et dynamisent énormément les évènements qui s'enchaînent les uns après les autres.


Avec sa narration en voix off et un Gotham qui allie les lumières artificielles des enseignes à l'insalubrité de ces ruelles où se cachent des criminels pourris jusqu'à l'os, le Gotham de Matt Reeves a de la gueule ! Bien loin du Gotham insipide de Nolan qui pourrait très bien être le cadre d'un tout autre film d'action, ici nous sommes véritablement dans le Gotham des comics, du moins celui qui m'a fait rêver dans la série animée des années 90 de Bruce Timm et Eric Radomski. Un excellent film, en ce qui me concerne, et que je reverrai avec grand plaisir, pour profiter de sa photographie et peut-être le redécouvrir sous un autre angle. Bien joué Matt !

Eren
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le 5 mars 2022

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