The Dark Angel
Tim Burton avec Michael Keaton, Christopher Nolan avec Christian Bale, Zack Snyder avec Ben Affleck. Batman est un des super-héros qui cumule le plus de nouvelles adaptations jonglant entre des...
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le 2 mars 2022
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C'est difficile de parler objectivement du dernier film consacré au personnage qui a marqué votre existence par la richesse de son univers, des comics aux dessins animés, en passant, bien entendu, par le 7ème Art. Mais après plus de 80 ans d'existence, la chauve-souris de DC a, grâce aux talentueux auteurs et dessinateurs qui ont forgé sa légende (Bob Kane & Bill Finger, Frank Miller, Alan Moore, Jeff Loeb & Tim Sale pour ne citer qu'eux), une histoire aussi remplie que le compte en banque de son alter ego. Ce constat répond à la sempiternelle question : " Pourquoi encore un reboot de Batman?"
En se penchant sur cette si bankable énigme, Matt Reeves revient à l'essence du personnage dans une adaptation audacieuse. The Batman, c'est l'anti No Way Home. Un film qui fait table rase du passé pour raconter sa propre histoire, un film qui prend le risque d'explorer la psyché de son héros (qui n'en est pas vraiment un), un film qui rend hommage aux comics sans tomber dans le piège du fan service. Le casting est d'une justesse rare, à commencer par un Robert Pattinson habité, qui nous livre peut-être la meilleure incarnation du chevalier noir. Zoe Kravitz livre la plus fidèle interprétation de Catwoman, Paul Dano incarne un Riddler (ou Sphinx ou l’Homme Mystère selon les versions) dérangeant à souhait, Colin Farrell crève l'écran en campant un Pingouin mafieux qui n’est pas sans rappeler un certain Robert de Niro, malgré son faible temps à l'écran.
Michael Giacchino livre une BO magistrale, qui magnifie les personnages et les enjeux de l'intrigue. Enfin, que dire du travail fabuleux de Greig Fraser à la photographie ? Il rend Gotham plus vraie que nature, et grâce à lui on peut dire sans trop se mouiller que The Batman est, visuellement, le plus beau film consacré au Caped Crusader.
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Batman est jeune et en colère, une colère qu'il ne maitrise pas encore. Il donne des coups (violents) et en prend (beaucoup), il effraie les criminels comme ses concitoyens. Il est la vengeance, mais pas encore la justice. Parallèlement à son enquête pour arrêter The Riddler, c'est le parcours du monstre qui devient un symbole que raconte le film.
The Batman est une déclaration d'amour au support originel de la chauve-souris (références subtiles à Année 1 et surtout Un Long Halloween), mais également au cinéma (outres les inspirations fincheriennes, la première apparition de Batman n'est pas sans rappeler le Nosferatu de Murnau).
Loin du bestiaire de Tim Burton et du gigantisme de Nolan (on ne s'attardera pas sur la farce de Schumacher), Matt Reeves nous livre un polar sombre, nerveux et immersif (les plans subjectifs proposent les points de vue de différents protagonistes, du petit criminel à Batman lui-même), qui rend ses lettres de noblesse au "meilleur détective du monde".
Complément de critique AVEC SPOILERS: Dans cette partie spoiler, je vais revenir sur des points qu'il me semble essentiel de développer, mais qui nécessitent de parler d'éléments du films que certains voudraient garder secret tant qu'ils ne l'ont pas vu.
- L'énigme Bruce Wayne: oui, l'alter ego de Batman est, à l'instar d'Alfred incarné par Andy Serkis, très peu présent dans le film. Ce parti pris a été critiqué, mais est parfaitement justifié par la psychologie du personnage : Bruce Wayne est dévoré par Batman. Bruce Wayne est le masque et Batman, ce qu'a très bien compris The Riddler, qui se reconnait en lui. Contrairement à un Christian Bale qui n'a eu aucun problème à gérer sa double-identité (hormis quand il s'agit de trouver le temps de piquer un roupillon), le Bruce Wayne de Robert Pattinson ne sait pas faire semblant. Il est accro à son costume et ne sait pas exister sans son masque. L'évolution de Batman aura certainement des répercussions sur celle de Bruce Wayne, et ouvre des perspectives alléchantes en vue de son humanisation, si telle est la direction que souhaite prendre Matt Reeves. L'intronisation de Dick Grayson/Robin dans le second film pourrait justement y contribuer.
- La narration de Bruce, inédite au cinéma, en début et fin de film, à un double écho : un écho au comics, et au film noir, dont on retrouve les codes dans le film.
- Je reviens plus en détails sur un point évoqué dans la partie sans spoilers : les nombreux clins d’œil aux comics, qui ont été subtilement amenés. Outre la référence légère au *Year One* de Frank Miller au début du film, quand Bruce écrit dans son journal qu'il referme pour dévoiler le nom "Year 2", ou encore la cicatrice que Catwoman laisse à Falcone (les griffures sur le visage), l'influence la plus marquante est sans contexte *Un Long Halloween* (dont Christopher Nolan s'était aussi inspiré pour The Dark Knight). Un choix qui n'a rien de surprenant, tant ce comics culte met en valeur les compétences déductives de Batman au travers d'une enquête qui le verra traquer un tueur en série qui assassine des membres de la pègre pendant des jours feriés. Une influence largement assumée dans le film, qui commence d'ailleurs le soir d'Halloween. Le climax, qui voit Gotham inondée, rappelle une scène similaire dans le comics **L’An Zéro**, une autre version des débuts du Chevalier Noir, qui avait pour antagoniste principal … le Riddler. Les fans apprécieront également le lien qui unit les familles Wayne et Falcone (Thomas Wayne ayant sauvé la vie de Carmine lorsque Bruce était encore enfant), ou encore le lien de parenté entre Falcone et Selina. De simples clins d’œil ? Plus que ça, car ils justifient des événements de l'intrigue ou encore les motivations de Selina. Il est appréciable également de voir l'histoire de Gotham être enfin abordée, ne serait-ce qu'en façade, où pour la première fois il est mention de la famille Arkham par The Riddler. Le journaliste que Thomas Wayne cherche à faire taire se nomme Edward Eliott. Un nom de famille qui n'a rien d'anodin, surtout quand on sait qu'un des meilleurs méchants de l'histoire récente de Batman de nomme Thomas Eliott, alias Silence (ou Hush en anglais). Cela laisse à supposer que ce personnage pourrait apparaitre pour la première fois sur grand écran dans une probable suite. L'histoire de Gotham ouvre également la piste menant à la Cour des Hiboux, l'un des meilleurs arcs narratifs sur le Dark Knight de ces quinze dernières années (ce qui plairait apparemment beaucoup à Robert Pattinson)
- Enfin, difficile de ne pas évoquer l'apparition, à la fin du film, du Joker (oui, encore). Matt Reeves a dissipé les doutes (s'il était permis d'en douter), le voisin de cellule du Riddler est bien le clown prince du crime, interprété par Barry Keoghan. Et force est d'avouer que du peu qu'on en a vu, cette nouvelle interprétation est intrigante. La voix, le rire, mais également le visage (bien qu'on en voie très peu), l'acteur irlandais a tout pour incarner un bon Joker à l'avenir (sans partir dans des comparaisons superflues avec Nicholson, Ledger, Leto ou Phoenix). Oui, nous aurions encore un autre Joker, mais pouvait-il en être autrement, tant il est crucial en tant que nemesis de Batman et si influent sur son évolution dans les comics ? Il a beau avoir été surexploité au cinéma, les films en ont pourtant montré si peu. Son arrivée peut provoquer une véritable lutte psychologique avec le Dark Knight de Pattinson à l'équilibre mental fragile (en s'inspirant d'*Akham Asylum*, le comics pas le jeu vidéo). Il pourrait pousser Batman dans ses derniers retranchements, jusqu'à lui faire douter de son propre code de conduite (ne pas tuer). Il pourrait s'attaquer à Barbara Gordon comme dans *The Killing Joke*, ou tuer Robin comme dans *Un deuil dans la famille*. Tant d'histoires qui le rendent aussi cruellement iconique mais que le cinéma ne nous a pas encore offertes.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films DC Comics et Les films avec les meilleures scènes d'introduction de personnages
Créée
le 7 mars 2022
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