Ici c'est Gotham ! (La rata alada)

Avertissement : ce texte contient des spoils.

Matt Reeves nous livre un Batman neurasthénique et tourmenté englué dans un Gotham sale, oppressant, pluvieux où la nuit opaque règne en maitresse sur un monde de corruption et de misère crasse. En quête de vérité sur le meurtre de ses parents dans une ruelle sombre de la ville le vengeur masqué est suivi dans l’ombre et les méandres de la cité par un aliéné sadique qui se repait d’énigmes et de meurtres sordides. 3 mots, « la rata alada » seront le fil conducteur de l’enquête menée par The Batman et James Gordon. Qui est donc la cible finale ?

Une musique (Michael Giacchino) inquiétante, lancinante et lourde en menaces participe à élaborer un climat d’angoisse sourde où l’on suffoque, à la recherche d’une poche d’oxygène, nous traversons le film en apnée, elle nous balade dans les psychés torturées des Gothamites, gangsters et flics, politiques, notables et putains. A noter le très sombre et puissant something in the way de Nirvana qui colle parfaitement au film.

La photo (Greig Fraser) est superbe, elle porte à l’écran de splendides tableaux comme dans cette scène de course poursuite où le bolide du Batman surgit des flammes à la poursuite d’un Pingouin aux abois au volant de sa puissante berline qui terminera sa course sur le toit. C’est alors que le justicier masqué, lentement, menaçant, s’approche avec en toile de fond un mur de feu dans le noir absolu des profondeurs de la nuit. Il se penche sur le malfrat renversé, mon nom est vengeance !

The Riddler (l’énigme) fou de jalousie et de rancune a rallié à sa cause via les réseaux sociaux des centaines de followers fanatiques qui dans un final apocalyptique vont ajouter du chaos au chaos, du désordre au désordre. Ils mettront la ville à feu et à sang et manqueront de justesse de la noyer sous les eaux. C’est alors qu’un peu d’humanité apparaît au sein de la tourmente.

The Batman navigue entre film policier, action et thriller. Il nous maintient la tête sous l’eau, ne relâche que très rarement son étreinte. Nous restons en alerte pendant trois heures d’un tunnel fantôme d’où nous émergerons lessivés, hébétés, en tentant de reprendre notre souffle. Cependant un brin d’humour n’aurait pas nui à l’ensemble.

Acteurs : Paul Dano (The Riddler) possédé par le rôle, Robert Pattinson en Batman dont je me demandais s’il allait nous offrir une prestation à la « Lighthouse » ou à la « Tenet », c’est la première qui l’emporte. Ici pas de dualité Bruce Wayne/Batman, la frontière est ténue entre les deux. Avec où sans masque il est (presque) le même. Jeffrey Wright est un James Gordon plutôt discret mais efficace dans sa complicité avec notre (anti)héros. La beauté de Zoé Kravitz (Selina Kyle) détonne dans cette sombre et brutale histoire, sa romance avec le chevalier noir semble incongrue mais pourquoi pas. Le fait est qu’elle joue juste. Colin Farrell méconnaissable dans le rôle du Pingouin est très bon aussi. Reeves a embauché Michael Marino et Naomi Donne, spécialistes du maquillage au cinéma. Reeves voulait un Oswald Cobblepot vraiment repoussant. Gotham, antichambre des enfers, rongée par le mal qui dégouline en pluie visqueuse est un personnage à part entière si ce n’est le personnage principal.

La fin est classique et même plutôt classe nous laissant entrevoir des lendemains moins sombres mais avec Gotham tout est relatif. Le post-générique de fin nous fait espérer une suite. < ? >

Note amusante : Le samedi 05 mars, lors d’une projection du film dans une salle obscure d’Austin (Texas) un fan de Batman a lâché une chauve-souris dans la salle. La séance a été interrompue le temps d’évacuer ce brave animal.