The Batman par pierrick_D_

La mégalopole de Gotham City est en perdition,en proie au chaos et à la criminalité.Quand le maire de la ville est assassiné à la veille de nouvelles élections,le lieutenant Gordon est chargé de l'enquête et s'adjoint les services de Batman,le justicier masqué qui passe ses nuits à maintenir un semblant d'ordre dans la cité.Il apparait vite que le coupable est un tueur en série,le Riddler,qui nargue les autorités et a décidé de combattre la corruption des élites.Après le maire,il se fait le chef de la police,puis le procureur,et la liste est loin d'être close.Ah Batman,c'est une vieille histoire!Depuis la série télé kitsch des années 60,on a eu les versions ciné de Tim Burton dans les eighties,celles de Joel Schumacher dans les nineties,puis plus récemment les films de Christopher Nolan.DC,l'éditeur des BD originelles de Bob Kane et Bill Finger,a désormais pris les choses en main et produit des adaptations plus ou moins inspirées,et ici c'est plutôt moins."The Batman" a énormément plu au public et à la critique,ce qui n'est pas forcément bon signe,comme en attestent les triomphes réguliers des sorties du grand concurrent Marvel.L'enthousiasme est d'entrée refroidi quand on apprend qu'on a confié les clés du camion à Matt Reeves,bombardé réalisateur,coscénariste et coproducteur de ce blockbuster vendu comme un sommet du thriller hyper dark.L'entame du film confirme cette promesse,avec un visuel d'enfer et une ambiance sinistre glaçante.Une ville sombre et froide,sale et insécure,où grenouillent toutes sortes de malfaiteurs sans scrupules,l'atmosphère angoissante se répand d'entrée,d'autant que les scènes sont essentiellement nocturnes et pluvieuses.Un look très travaillé,bravo la direction artistique,et parfait pour commencer une jolie histoire pleine de meurtres,de bastons sauvages et de batailles rangées.Mais poser un décor est une chose,écrire un scénario en est une autre.La vision de Gotham est certes convaincante.....mais elle ne diffère en rien de celles exposées précédemment par Burton et Nolan.C'est très bien mais ça ne suffit pas,et la suite va le confirmer.Le gros problème est que Reeves n'est qu'un faiseur,un technicien doué, mais sûrement pas un grand cinéaste créatif.Là où Tim et Chris mettaient du contenu ébouriffant et chargé de sens,il ne parvient qu'à fournir une pauvre illustration de thèmes rebattus.Son "Batman" ne s'apparente finalement qu'à ceux,plutôt moyens,de Schumacher.On convoque plein de figures vues dans les précédents films ou les BD,et on empile d'Alfred à Gordon,du Pingouin à l'Homme-Mystère,de Catwoman à Falcone,sans aboutir à quoi que ce soit de consistant.Sous ses dehors sophistiqués,le script est très banal et prévisible,avec le trauma initial qui poursuit Bruce Wayne,sa lutte contre le crime et la corruption endémique qui frappe la ville.Tout le monde ou presque est pourri jusqu'à l'os,le syndrome dépressif infuse l'intrigue,mais le désespoir cède face à la volonté de justice de quelques héros,la routine gothamienne en quelque sorte.Ce qui est amusant,si l'on peut dire,est que cette cité autrefois fantasmatique a perdu beaucoup de sa singularité à cause de l'évolution des sociétés.Ce patelin fictif n'est désormais guère plus impressionnant que d'autres qui existent bel et bien,comme Paris ou Marseille par exemple et pour ne parler que de la France.Il y a cependant une originalité dans ce film,la personnalité du méchant.Le Riddler n'est nullement un gangster,c'est juste un révolutionnaire psychopathe et naïf qui veut combattre le Mal de manière concrète.C'est là que ça devient intéressant car l'histoire a l'air d'un avertissement que l'oligarchie s'adresserait à elle-même,une façon de jouer à se faire peur.Reeves est un tâcheron,il n'est pas le véritable auteur et il ne fait que mettre en images un discours imposé par la production,et par Hollywood en général.Du coup on assiste médusés à cet exercice de fausse auto-critique consistant à prévenir qu'il faudrait peut-être faire gaffe,que les gueux commencent à s'agiter un peu trop et qu'un gros bug dans la matrice pourrait survenir.L'Homme-Mystère,avec ses devinettes à la con,maîtrise mine de rien les réseaux sociaux et y est très suivi,ce n'est pas par hasard que l'oligarchie veut en limiter l'utilisation,ce qui lui permet de lever une petite armée.Le danger,à savoir ce qu'on qualifie de révolte populiste,commence à se préciser et il devient urgent de calmer le jeu.Une scène est très évocatrice à ce sujet,celle où Batman vient voir le Riddler dans sa prison.Le gars adore Batman,dont il croit partager le combat,et déteste Bruce Wayne,pour lui symbole du capitalisme prédateur,sans savoir qu'il s'agit du même type.Et le Batman de Reeves est un jaune,un traître infiltré par Hollywood pour préserver la morale officielle,à savoir la doxa woko-capitaliste qui dirige les opérations.Il insulte le pauvre mec,le traite de dingo,lui dit que ses actions sont criminelles et qu'il n'a rien à voir avec lui.Et pourtant il passe son temps à chasser le truand en-dehors de tout cadre légal,comme l'autre l'a fait.Seulement voilà,de nos jours la morale est à deux vitesses,c'est le règne du deux poids deux mesures.Riddler est un révolutionnaire qui a vraiment voulu détruire le Système,il est donc allé trop loin.Batman se contente de traquer le menu fretin,il fait partie du Système qu'il fait mine de condamner,participant à ce que tout change pour que rien ne change.D'ailleurs il finira par faire échouer le dernier plan du Riddler en sauvant la nouvelle maire de la ville,qu'il estime fiable,contrairement au terroriste qui ne s'illusionne pas,car elle est femme,noire et gauchiste.Ce n'est pas dit mais c'est clairement implicite,du reste on fait dans le black friendly à fond avec cette "mairesse",mais aussi des personnages traditionnellement blancs dans la franchise qui se sont soudain noircis sous la pression du politiquement correct.Ainsi en est-il du policier Gordon ou de Catwoman.A part ça,l'idée globale est que,même si l'oligarchie déconne un tantinet il ne faut pas se frapper pour autant car elle contient ses propres anticorps qui rétablissent finalement sa blancheur initiale.Bruce est un riche héritier mais il ne pense qu'à la Justice,Gordon est un policier pur et dur et Selena une voleuse vachement sympa toujours prête à filer un coup de main au Camp du Bien.Avec eux il n'y a pas à s'inquiéter,puisqu'on vous le dit!C'est du foutage de gueule tout ça,mais ça va peut-être fonctionner quelques décennies encore,les mouvements d'opinions évoluent très lentement.Sinon le film n'est pas terrible,c'est très long,c'est même interminable,c'est lent avec plein de scènes contemplatives pas forcément justifiées,la violence est souvent édulcorée,contrairement aux promesses mais faut pas excéder les frontières du mainstream, les séquences d'action ne sont pas au top et beaucoup,filmées dans le noir absolu,sont quasiment invisibles,les développements sont attendus et la plupart des acteurs médiocres.Robert Pattinson,dans le rôle-titre,n'est pas mauvais mais il n'a pas les épaules pour ce genre de personnage.En plus il représente un Batman légèrement décadent.Ce héros est d'habitude un vrai mec,voire un viriliste,et là on a un gars geignard,indécis et limite efféminé,bien dans les standards de l'époque mais pas conforme à ses prédécesseurs.Zoë Kravitz campe une bien faible Catwoman,Paul Dano en fait des caisses et se plante en Riddler,Jeffrey Wright est inexistant en Gordon,comme Peter Sarsgaard en procureur Colson.Quant à Andy Serkis,il semble bon à rien dès qu'il abandonne la motion capture et son Alfred est pathétiquement nul.Seuls surnagent le très classieux John Turturro,impérial en caïd de la pègre de Gotham et Colin Farrell,méconnaissable sous les tonnes de maquillage d'un Pingouin sous-utilisé.Note et critique de film de Matt Reeves publiées précédemment:"La planète des singes-Suprématie"-4.Moyenne:4.