Barry Levinson est un acteur assez connu du monde du cinéma. Du cinéaste on retient le touchant Rain Main, l'édifiant Good Morning Vietnam ou, en vrac : Sphère, Panique à Hollywood ou bien Sleepers. Le voir endosser le rôle de metteur en scène sur un found footage financé par les producteurs de Paranormal Activity est une surprise en soit. L'association peut paraître surprenante, elle devient compréhensible dès lors qu'on creuse un peu la genèse du projet. Car The Bay, à l'image de l'homme qui le réalise, est porteur d'un authentique message politique, d'une volonté idéologique manifeste : celle d'alerter sur les dangers portés à l'écosystème des flore sous marines. L'improbable association nous avait mis la puce à l'oreille : le film n'est pas qu'un simple horror movie destiné à effrayer l'ado pré-pubère ou la ménagère qui s'ennuie. Non, The Bay a un fond, très profond, rempli, au même titre que la baie fictive de la ville de Claridge, de noirceurs et de mystères. Dès lors, le choix du genre semble pertinent, l'objectif étant de sensibiliser un jeune public peu habitué à voir un film qui a quelque chose à raconter. C'est la même logique qui pousse Levinson à s'approprier les codes de son cœur de cible : youtube, iphone, webcam, skype, tous les moyens numériques sont bons pour diversifier l'identité visuelle de son métrage. Se familiariser, s'adapter pour mieux toucher, sensibiliser. L'intention est intelligente, elle prouve que le cinéaste est un homme qui vit avec son temps, qui use des normes actuels pour mieux impacter ceux qu'il tient à secouer.
Cinématographiquement ça donne une expérience pas désagréable, à la frontière entre le film de zombie et celui de Piranhas. Un genre de rencontre improbable entre Aja (le fun en moins) et Romero (le found footage en plus). Les deux cinéastes partagent de fait la même obsession idéologique, on se souvient que Romero c'était aussi essayé (avec une réussite dont chacun sera juge) à ce sous genre subjectif du film d'horreur. Diary of the Dead portait déjà en lui le message politique inhérent à toutes les réalisations du cinéaste, Levinson suit les mêmes traces en alliant la puissance du documentaire, le propos engagé et l'horror teen movie. La mixture vaut qu'on s'y attarde, The Bay a paradoxalement le goût du déjà vu en même temps que celui du travail bien fait. La faute à un montage énergique qui se fait le conducteur d'une masse d'images, de vidéos impressionnantes qui défilent sans qu'on y perde une miette, sans qu'on puisse s'en ennuyer ou s'en lasser. L'image sous toutes ses formes : 16:9, 4:3, en noir et blanc, couleur, abîmée, de mauvaise qualité, en haute définition. Le réalisateur manipule les représentations graphiques, les visualisations digitales ; son besoin d'authenticité obsède chacun des plans, celui d'apporter une vérité aux images transpire l'à propos flagrant. Son engagement accouche d'une ambiance dérangeante où se fusionne l'inaction des autorités publiques (autre dénonciation) à l'évolution inquiétante de la baie de Chesapeake. A grand renfort d'images choc le malaise s'installe, le climat devient dérangeant, effrayant : apparitions cutanées, bancs de poissons morts, isopodes gluants, amputations de membres, décès en direct, cadavres apparents, rien ne nous est épargné. En ce sens le discours tutoie la vérité écologique, car en impliquant la présence du parasite bactériologique "mangeur de langue", le metteur en scène authentifie, de par son existence réelle, une monstre marin ayant bien plus de chance de terroriser son auditoire.
Bonne surprise donc, que ce The Bay. A la fois brûlot dénonciateur et Found footage efficace, Levinson s'extirpe des codes communs du genre pour y apporter sa touche politique, son discours écologique. Sa volonté de dénoncer certaines irresponsabilités en utilisant le cinéma comme une puissante arme idéologique est un comportement devenu rare, qu'on ne trouve désormais que chez les studios indépendants. Tout dépend du combat en définitive, autant que la manière de le supporter il existe nombre de façons de traiter d'un sujet. Or il n'y a qu'un seul Levinson. Et c'est bien dommage.