Un titre traduit par un énigmatique " The beast " qui semblait bien du " De Behandling " original. On se dirigeait tout droit vers une mauvaise interprétation linguistique, et puis ... Le creuset de l'horreur, le froid, désincarné, psychologique.
- [TW : Pédophilie dans le film]
Un film étouffant, l'ambiance thriller est très réussie, voire maitrisée. Les plans a la steady cam, le rythme du montage, la diversité des décors, et leurs colorimétries très désaturées, tout cela fonctionne a merveille, et permet au long métrage d'être suintant et glacial. Tout ce qu'il décide de montrer, il le fait bien, permettant à la fois de susciter l'émotion du spectateur, et de ne pas tomber dans un fétichisme macabre. En montrant insectes, photos, crasse, sang, il met le spectateur mal à l'aise, le pousse dans ses retranchements, a ses limites, mais a aucun moment la réalisation ne rend quoique ce soit d'horrible, désirable, et c'est au cœur de sa force esthétique.
Au cœur également, il y'a le noir. Les ténèbres, froids et mordants. On navigue entre réseaux pédophiles, sadisme en phase terminale, et personnages terrifiants. Je ne suis pas facilement choquable, mais là le plot, et la violence de ce qui a été imaginé me donnent sincèrement envie de vomir, de pleurer, et de mourir. C'est immonde, a un point où, si vous voulez regarder le film, il faut vraiment en avoir conscience.
Une fois cet avertissement réalisé, force est de constater que la progression de cette histoire est presque parfaite, que cette plongée dans les eaux les plus tourmentées de l'esprit humain se déroule à merveille, avec quelques effets de suspenses réussis et une montée progressive dans le glauque, et dans la terreur que le récit inspire. Le rapport à la pisse, aux hormones, au sexe, est troublant, mais donne un aspect réel a ces personnages malades. Aussi la puissance tragique qui rythme ces deux heures, est traité avec une constance impressionnante et déprimante.
Geert Van Rampelberg propose une performance XXL ( a l'exception d'une scène ou son jeu se résume a bouger ses narines ). L'excellente Laura Verlinden croisée dans le très réussi, un Monde, de Laura Wandel, est elle aussi convaincante dans un rôle difficile, elle participe grandement a faire monter la tension dégueulasse qui structure la narration. Michael Vergauwen, campe également un rôle compliqué qu'il gère à la perfection. Le reste du casting est un peu moins brillant, il en reste néanmoins efficace, et permet au film de compléter cette fresque gelée d'un monde de bas fonds et d'immondices. Enfin, le traitement réaliste de la folie et de la faiblesse des antagonistes est ici, approprié et inspiré.
J'aurais de brèves réserves a émettre sur le rythme global du film, qui traîne un peu, et en même temps, c'est un artifice nécessaire pour la cohérence dramatique. Nous ne sommes pas ici en présence d'un film immense, qui réinvente le cinéma et transporte le spectateur dans des montagnes russes émotionnelles. Ici il s'agit de genre, de thriller glauque et noir, en ce sens, il réussit parfaitement sa mission, un long forage de l'âme torturée des humains qu'il montre. Ce long métrage, à défaut d'être parfait, illustre avec brio, le pire.
Ces quelques mots me permettent de formuler un avis, en bref, sur le film. Il est très réussi, mais c'est trop brutal, trop sale, trop dur. Et en ce sens, je ne le recommande qu'a un public très averti.