The Big Lebowski est un film qui ose glorifier la fainéantise, la petite fumette, le White Russian, le chômage, le bowling et l'amitié.
Le personnage principal s'appelle Jeff Lebowski, interprété par un Jeff Bridges magistral, mais on le surnomme le Dude, ou le Duderino, parce qu'il est allé un jour à Woodstock et n'est jamais vraiment revenu, même s'il habite une arrière cour à Malibu. L'action principale du film est une embrouille qui se complique sans cesse, et le Dude perd donc de plus en plus le fil de ce qui lui arrive. Pour faire simple, il s'agit pour lui essentiellement de se faire rembourser son tapis. Mais il rencontre une série de "loser" magnifique: il se fait insulter, passer à la bassine, uriner sur son fameux tapis (qui tient si bien les rênes de l'harmonie du salon), se fait faire miroiter une fortune en billets et se retrouve avec des magazines, se fait droguer, puis draguer par une artiste uniquement pour sa semence, se fait agresser sur un parking, pour finalement se retrouver sans rien dans son bowling, la pièce principale du film. Ses amis Walter et Donny sont vraiment là, mais dès qu'ils l'ouvrent, la confusion s'installe.
Au début, le Dude doit aller voir un certain Jeffrey Lebowski senior, le Big Lebowski donc, dont la femme s'est fait kidnapper soit disant par un clan de nihilistes. Ceux-ci l'avaient attaquée et ruiné son tapis, emmené par le même acteur qui, dans Fargo, balance son acolyte dans un broyeur de branchages. Mais comme le gang l'avait pris pour l'autre Lebowski, le Dude pense qu'il peut aller réclamer un dédommagement pour son tapis. L'expression du jeune assistant du Big Lebowski, Brandt, joué par un excellent Philipp Seymour Hoffman, lorsque le Dude explique sa demande, reste gêné, mais quasi-impassible.
C'est une des clés de mon admiration pour cette histoire, ces réactions des personnages aux tuiles diverses. Comme si l'idée de faire rire venait de pointer la caméra uniquement sur l'observation du visage de celui qui se retrouve en face d'un gros gros couac.
Les gags vraiment hilarants suivent de nombreux rebondissements chaotiques, dont un démêlé avec la police de Los Angeles, un dialogue où l'on apprend qu'il a fait partie des 7 auteurs d'un pamphlet politique des années 70, des délires de drogue où un POV shot nous montre le Dude avancer en vol le long d'une immense piste de bowling, et un autre ou la caméra est placée dans la boule à l'emplacement du pouce. La musique de la BO, dont celle de Dylan, est en accord parfait avec le Dude. Sauf pour les Eagles.
Il n'y a probablement que les frères Coen qui ont compris le message global, tant la trame policière de la recherche de la dame kidnappée semble se perdre dans un dédale de petites histoires sans aucun rapport, mais avec plein de répliques cultes: "marque une faute" dit Walther à une autre équipe.
J'ai adoré revoir ce film pendant très longtemps, les plans d'intérieurs, le visuel des chaussures et des boules de bowling, les clins d’œil aux mythes de la côte Ouest, l'humour et les dialogues désinvoltes puis subitement sérieux, et le calme impérial, presque bouddhiste, du Dude en face de la plus invraisemblable série de déconvenues. Ses écouteurs, son White Russian, son bowling et ses potes lui suffisent, et il reste toujours noble, sans esprit de vengeance, car "The Dude abides".