Annoncé à grands renforts de qualificatifs élogieux, le comparant à d'autres films "majeurs", j'ai entendu un critique le rattacher à "They will be blood" de Paul Thomas Anderson,(film détesté de mon côté) "The brutalist" part déjà labellisé Mostra 2024, meilleur réalisateur, et auréolé des mots choc de la presse américaine à son égard. Construit ambitieusement, le film malheureusement affiche très rapidement ses limites et ses faiblesses. Une "Ouverture" évoque en quelques plans les origines de Lázlò Tóth.
"L'Enigme de l'arrivée" , se déroule dans une suite de plans aux couleurs sombres, accompagnée d'une musique lourde, (thème du film qui reviendra régulièrement le scander ) et les premiers contacts avec le monde américain. Il est intéressant de voir à l'oeuvre la transformation du cousin, Mòlnar devenu Miller, devenu catholique pour mieux se glisser dans l' American way of life. Et déjà, se pose un problème qui va contaminer le film. Lázlò Tóth est ainsi qu'il attire vers lui des répulsions, des actes de personnes sadiques, où lui semble l'éternel masochiste (même si son passé n'est, à ce stade peu clairement évoqué...) Cette relation sado-masochiste va devenir le moteur du film, se plaisant à la mettre en scène au lieu de faire un film sérieux sur l'architecture et ses processus de créations. Un discours à la radio (d'époque ?, retourné?) annonce le 22 novembre 1947 la création d'un état juif situé en terre d'Israël. La rencontre entre ces deux personnages à priori antinomiques, le riche industriel et l'architecte Bauhaus va malheureusement constituer presque tout le reste du film, parce cette relation empoisonnée reprend ontologiquement le concept du sado-masochisme l'être dominant martyrisant l'autre, jusqu'à l'acmé du process, un viol sur fond de shoot d'héroïne, scène assez hallucinante ... le manipulé, la victime expiatoire un brin complaisante, et totalement absorbé par son œuvre architecturale. Il est intéressant de noter ici que le père du premier ait fait fortune en « optimisant le travail à la chaîne …) L'Amérique est vite mis à mal par le film, l' "American life" déclinée en propagande par deux clips promotionnels (d'époque ? ou retournés?) l'un vantant la Pennsylvanie, l'autre l'acier. Les plans, accompagnés d'une musique de variété sirupeuse des années 40, semblent déjà avertir de la suite. Ce qui se voit, c'est déjà l'énorme dichotomie entre le monde des ultra-riches et les ouvriers, Lázlò Tóth étant, du fait de sa judéïté, rattaché à ce corps social. La mise en scène est d'un classicisme à toute épreuve, et se trouve enfin malmenée, à la faveur d'une séquence dans un club de jazz. La caméra se libère, il faut dire que le lieu et ses activités s'y prêtent. Mais il semblerait que cette scène soit un pivot, car après, la façon de filmer sera plus éveillée, même si la grammaire cinématographique est pauvre : beaucoup de travellings avant, trains, voitures, plans en contre-plongée dont le film abuse, jusqu'à massacrer Venise à la fin, quelques plans plus audacieux filmant les matériaux, les machines de construction.) La rencontre avec Gordon, le personnage joué par Isaac de Bankolé, est faustienne, le premier mettant Lázlò Tóth sous l'emprise de l'héroïne, le soumettant une fois de plus à un élément toxique et tyrannique, perpétrant surtout l'idée que le sado-masochisme est inhérent à lui.
Après un entracte de 15 minutes (photo en plan fixe du mariage de Lázlò Tóth, compte à rebours en incrustation) voilà la partie 2 « La quintessence du beau »
Plusieurs choses se passent concomitamment dans la narration, et l'on comprend de plus en plus clairement que ces riches américains sont des salauds (qui dorment en paix?), qui ne "font que vous (les juifs) tolérer".
Deux scènes de prières dans des synagogues, nous dépeignent un Lázlò Tóth pratiquant. Le film épouse le point de vue de Harrison, le magnat mégalo dans le sens où les ouvriers du chantier sont presque totalement invisibilisés. D'ailleurs la vision architecturale est elle aussi malmenée, dans le sens où elle fait toujours l'objet d'un traitement furtif, pas à la hauteur de toutes façons. Non, le principal, c'est la palabre conflictuelle, la plupart du temps, qui remplit cette succession de scènes où l'on glisse idéologiquement vers le sionisme, les juifs se mettant à détester ce monde (rotten country) où ils vivent et décident pour certains de faire leur Alyah... Une visite dans les carrières de marbre de Carrare propose enfin des images époustouflantes de beauté, et offre un certain répit (vite et cruellement brisé...)
Puis, ouh, il ne reste plus trop de temps, alors Brady Corbet opte pour l'image accélérée...
Et nous voilà à l'épilogue...1980...une exposition à la biennale d'architecture consacrée au l'oeuvre architecturale de Lázlò Tóth... "The presence of the past".
A ce stade, j'oserai une comparaison, avec le roman Goncourisé de Yann Andréa, "Veiller su elle", dans le sens où les deux œuvres ne traitent pas sérieusement leur sujet, qui la sculpture, qui l'architecture. Les deux auteurs privilégient les mêmes scènes interminables de bavardages au détriment de leur sujet. Parce que lors du discours d'inauguration de l'exposition, la nièce rappelle les faits d'armes de son oncle architecte, (nous spectateurs, seront contentés d'une seule construction!) ainsi que le sens profond de son œuvre (hanté par les camps de concentration). Cela au pas de course, après un digest d'images de Venise complètement raté, la contre-plongée sur des buildings, mouais, sur les bâtiments de Venise, ça vire au manque d'inspiration.
En résumé, une œuvre inutilement lourde et longue, qui, fait mauvais écho à notre époque contemporaine trumpisée. Saluons pour finir la performance indéniable d'Adrien Brody (souvent au bord des larmes), dont le beau visage est un livre d'émotions.