Avec "The Brutalist", le réalisateur Brady Corbet s’attaque à un projet ambitieux, voire démesuré, qui s’inscrit dans la lignée des fresques monumentales du nouveau cinéma d’auteur hollywoodien (à l’image de "Babylone" de Damien Chazelle - 2022). Le film vise clairement le statut d’œuvre d’art total. C’est précisément en embrassant ce risque que "The Brutalist," parvient à offrir des moments de grâce cinématographique, où la mise en scène se fait architecture, organisant des espaces visuels à couper le souffle.
Le film suit le parcours de Laszlo Toth (Adrian Brody, en ligne directe avec son rôle dans "Le Pianiste" de Roman Polanski), un architecte hongrois exilé aux États-Unis, dont la quête artistique et personnelle se heurte aux affres de son aliénation et de sa dépendance.
La première partie du film, bien qu'assez lente, pose les bases d’une réflexion sur la dualité entre ténèbres et lumière, thème central de l’œuvre.
Le film peine à explorer de manière convaincante les troubles psychiques de Toth, donnant parfois l’impression de patiner dans les eaux troubles de la psyché humaine. Cette section pêche par une représentation un peu maladroite de sa sexualité, par exemple.
En revanche, les séquences dédiées à la création architecturale, notamment celle de la bibliothèque, sont d’une beauté à couper le souffle. Le développement du système de volets, conçu pour maîtriser la lumière, est retracé avec une progression visuelle splendide, témoignant du génie de Toth tout en servant de métaphore à sa quête artistique.
C’est dans sa seconde partie que "The Brutalist" trouve véritablement son souffle. Le film dépeint avec brio la relation toxique entre Toth et son mécène (Harrisson Van Buren), un riche commanditaire qui vampirise l’architecte, le poussant à perdre toute humilité.
Malgré les addictions et les démons qui hantent Toth, le film parvient à se ménager une porte de sortie élégante. L’inachèvement de son œuvre phare devient le symbole de sa modernité et de sa libération vis-à-vis de son mécène, bien que la disparition soudaine de Harrisson Von Buren, le commanditaire, reste une énigme du récit.
Lors d’un épilogue à la Biennale de Venise en 1980, retraçant le parcours de l'architecte, c’est la nièce Zsofia devenue adulte, qui délivrera la clé de son oeuvre, hantée par les souvenirs des camps de concentration.
"The Brutalist" est un film à la fois ambitieux et imparfait, qui oscille entre moments de génie et quelques maladresses narratives. Malgré ses longueurs et ses faiblesses, il reste une œuvre visuellement impressionnante, portée par une réflexion profonde sur l’art, la création et les sacrifices qu’ils exigent.