Remember: this is merely a cartoon.
The External World est un court de 17 minutes de David O'Reilly, animateur Irlandais primé dans plusieurs festivals.
J'imagine qu'il ne peut pas laisser indifférent et que soit on adore ou bien on déteste. Et le film tient en grande partie sur l'effet de surprise même si après il peut être vu et revu encore. Il est donc préférable, je pense, de rester vierge avant de voir ce petit film. Ainsi, comme je ne peux pas écrire en blanc, pour ne pas spoiler, ma critique va certes ne ressembler à rien mais elle évitera sans doute de révéler fâcheusement trop d'informations.
Je ne suis jamais allée sur 4chan mais je sais très bien le genre de choses qu'on peut y trouver et sans doute qu'être familier avec les memes venus du fin fond de l'Interweb peut aider pour apprécier ce court. Si vous recherchez de l'humour très raffiné et n'aimez pas l'humour noir, passez votre chemin.
Et pourtant j'ai ri, oui j'ai ri. Et je me pose la question, est-ce que j'aurais ri il y a plusieurs années ? Est-ce que je n'aurais pas été horrifiée par ce que je venais de voir. Ah, je ne sais pas. Peut-être que l'underground de l'Internet m'a un peu *changée*. Ou peut-être que non, que j'étais déjà corrompue avant.
Au fond peut-être que David O'Reilly est comme ce petit enfant en couches-culotte qui crie à tue-tête en tapant sur une casserole et perturbe les gens « civilisés » autour de lui, qu'il dérange parce que cela l'amuse et c'est tout. Qu'il cherche à nous faire nous interroger sur la nature de l'art. Si l'art peut ou doit être un simple divertissement dépouillé de toute volonté si ce n'est celle de distraire. Peut-être qu'on va trop loin à vouloir toujours tout rationaliser, à chercher du sens et toujours chercher de la profondeur là où il n'y en a pas.
Je ne sais pas.
En tout cas j'ai adoré, que ce film soit d'un vide intersidéral ou pas (parce que si David O'Reilly anime du vide en tout cas il le fait drôlement bien). Et peut-être que cela fait de moi une personne infréquentable. Je ne sais pas.
M'est avis que vous vous direz "Merde qu'est-ce que je viens de regarder (pour ceux qui iront jusqu'au bout de la chose) ?!". Ce qui pourra tout aussi bien signifier "Punaise j'ai perdu 17 minutes de ma vie et je me sens lésé en tant que mortel." ou "Wow, c'est trop génial. Encore ! Encore !".
Et si vous n'accrochez pas du tout à The External World, s'il vous plaît, n'abandonnez pas là cet animateur et regardez Please Say Something. C'est un court qui m'a énormément touchée et qui pourrait plaire aux réfractaires à l'absurdité et au mauvais goût.
*****Spoilers gonna spoil*****
The External World montre en un peu moins de 20 minutes à peu près tous les maux de la société.
Dépression, suicide, misère et clochardisation, voyeurisme, désensibilisation, absence d'écoute et de compassion globale, ainsi que du corps médical, face à la souffrance d'autrui, désintérêt pour les autres dans une société qui valorise le chacun pour soi, le tous-pour-personne et où l'on utilise les autres comme des outils (outils de plaisir parfois), sexualisation rampante, maltraitance (parentale), banalisation de la violence, dédain des règles de vie en communauté (du code de la route).
J'y vois une représentation de la télé-poubelle. Et notamment du phénomène abrutissant des shows avec leurs rires enregistrés qui incitent à rire même quand il n'y a rien de drôle. Mais aussi des images choquantes qui peuvent y être diffusées. Ainsi après que la mère se soit inquiétée de l'influence qu'une vidéo trash pouvait avoir sur leur enfant "Isn't this a bad influence?", le père lui répond "Don't worry it's just animation it has no real effects on people."
Et loin de moi l'idée de défendre une Ségolènisation des programmes télévisuels mais évidemment, il y a des cibles plus adéquates que d'autres pour certains programmes, on ne peut le nier. Et c'est sûr que The External World n'est pas un court à montrer à un enfant, ce qui achèverait de convaincre ceux qui pensent que c'est la seule et unique cible de l'animation.
J'y vois également une représentation du côté sombre de la télévision japonaise et de son kawaiisme à outrance. Dans ce monde, c'est le pays où de charmantes bestioles, détruisant leur image innocente, font du sexe sans état d'âme et où le Lolicon Complex (en gros, attrait pour les nymphettes) a de beaux jours devant lui. Là-bas aussi, on ne défèque pas, on fabrique de la glace pour ses amis. Du coup The External World devient un peu Bisounours meet Happy Tree Friends.
Ce qui est un peu déconcertant c'est que The External World semble montrer en long et en large ce qu'il pourrait avoir volonté de combattre. Ou peut-être bien qu'il ne faudrait pas chercher à voir de message dans ce court-métrage ou du moins à le saisir dans sa globalité.
L'on sera quand même satisfait de goûter à cet ovni rempli d'humour noir et de délicieuses petites trouvailles grinçantes (notamment les références aux jeux vidéos avec Mario : Et si les clochards trouvaient de l'argent en sautant comme lui ? et le coup du cadavre qui s'efface) et allusions pop culturelles (Youtube rebaptisé Shitube, Pokemon, Disney...). On pourra aussi y trouver un univers Tex Averyien où tout peut arriver. Ou bien un peu de Don Hertzfeldt avec ses Rejected Cartoons ou Intermission à l'humour douteux.
Et derrière tout ça, tout ce joyeux (ou pas) bordel, il y a un petit garçon qui joue du piano, comme un refuge contre le reste du monde, le monde extérieur. Tout n'est pas noir et la beauté, sous la forme d'un solo de piano, peut tranquillement (co-)exister.
TEW nous fait voyager à travers plusieurs écrans. Qu'est-ce qui est virtuel ou réel au fond ? Il nous montre la société moderne dans toute sa splendeur. Les personnages sont spectateurs dans une société où les images dominent mais nous aussi nous regardons, nous zappons et suivons les aventures décousues de The External World.
"Remember: this is merely a cartoon.
None of this is real.
This is a purely fictional occurrence, in no way based on reality.
This is not happening in this universe or any other.
Neither are these words.
Neither are you.
There is only a silent emptiness spreading infinitely in all directions."
(J'éditerai peut-être plus tard.)