Le pitch du film présentement critiqué, selon Google : notre super superhéros Flash « utilise ses superpouvoirs pour voyager dans le temps afin de changer les événements du passé… cependant, lorsque sa tentative de sauver sa famille modifie par inadvertance l’avenir, il se retrouve piégé dans une réalité dans laquelle le général Zod est revenu, menaçant l’anéantissement ». Ouais, c’est comme ça que finit le pitch. Ça menace l’anéantissement. Traduction automatique ? Nosé. En tout cas, c’est digne du film. On ne sait pas vraiment. En trois mots : c’est l’cirque.
Un bordel prémonitoire ?
The Flash commence un peu n’importe comment, avec un attentat terroriste archi-générique qui conduit carrément à la destruction live d’un hôpital – l’ère Marvel aime le boum-boum XXXL –, une opération de récupération en slow-mo de bébés en CGI qui tâchent, et un petit tour de batmoto pour Batfleck histoire de mettre (un peu paresseusement) dans le bain du DCEU. Cette dernière partie, scène de course-poursuite déjà vue 40 000 fois à laquelle le réalisateur Andy Muschietti insuffle suffisamment d’énergie pour la rendre divertissante, n’augure de rien de particulièrement mauvais. On est un peu plus circonspect face au coup des bébés volant, mais c’est interprétable comme une façon d’annoncer au public l’originalité, l’irrévérence, et les couleurs chatoyantes du spectacle à venir, autant dire celles du Flash. Certains voient déjà dans le portnawak un inquiétant bulletin météo ; d’autres, une excitante ouverture du champ des possibles, impatients de voir ce que le film va faire de cette positive attitude. Après tout, c’est ce qu’espère une partie du public, celle qui a gobé les promesses de la promo : accrochez-vous les gars, ça va partir dans tous les sens, et vous prendre par surprise dix fois, vingt fois, et n’oubliez pas que ça va être, par moments, super-méta… allez, on le dit en toute modestie : vous allez voir le film de superhéros ultime.
Parce que oui : début 2023, la Warner, dont le département marketing n’a cessé de briller d’ingéniosité au fil des années pour donner des airs de chefs-d’œuvre à des merdes intersidérales (Suicide Squad, Wonder Woman 1984, Justice League…), ou du moins d’amères déceptions (Batman v Superman…), s’est mise en tête de survendre un film dont tout le monde se foutait jusqu’alors… et ça a donné une promo étonnamment vendeuse au point de porter très, très haut les attentes du « fandom », à un point potentiellement dangereux pour l’équilibre psychologique de certains. D’aucuns remarquaient, parallèlement à l’hyper-énergie et aux formidables accompagnements musicaux des bandes-annonces, le manque de profondeur de la photographie et l’inégalité des CGI, mais peut-être les seconds attendaient un travail de fignolage supermassif ? Problème : on comprend très tôt que la promo montrait le produit fini. Et qu’en matière de tonalités et de colorimétrie, on va bel et bien avoir quelque chose de plus proche de Justice League version ciné que de la Snyder cut – j’ai bien dit « plus proche », on est très loin de la funeste scène d’échange entre Lois Lane et Martha Kent à la rédaction du Daily Planet. Et à la fin de cette entrée en matière, le caméo super-cheap de Gal Gadot en Wonder Woman, forcément accompagné de son thème musical, vient conforter une autre crainte : peut-être le spectacle ne va-t-il pas être SI original que ça.
L'aperçu d'un film qui se serait tenu
Ça continue cependant sur un sympathique air de film de superhéros classique qui aurait dû être celui du film dans son entièreté, en fait : Barry Allen s’adonnant à ses petites affaires de superhéros, occasionnellement conseillé par Bruce Wayne comme Peter Parker l’était par Tony Stark dans la trilogie Spider-Man de Tom Holland… une partie brève mais satisfaisante donnant une idée convaincante de ce qu’aurait été un « solo movie » avec Ezra Miller en lead, car l’acteur, quoiqu’on pense de cette tête de nœud, est impeccable dans le rôle. Les gags tombent un peu à plat, mais lui, fait le show, et l’on espère que l’inspiration va vite tomber des cieux pour vraiment s’amuser.
En parallèle se définit l’enjeu dramatique du film : Barry a beau s’être trouvé, tant bien que mal, au fil des épreuves qu’il a surmontées, il a beau donner un sens à sa vie en sauvant l’innocent et rendant justice dans son costume de superhéros, et il a beau susciter l’intérêt de la charmante Iris West… il ne s’est jamais vraiment libéré de son passé. Son père est toujours en prison, et sa défunte môman, ben, toujours défunte. Et ça le travaille, ça le travaille à mort. Or il SAIT qu’il peut y faire quelque chose. Et le spectateur SAIT, de son côté, qu’il VA le faire… et merder grave par la même occasion. Bon programme, non ?
Pour la critique entière :
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L'habituelle surenchère d'humour crétin
C’était le programme, oui. Ça continue donc joyeusement sur le mode de l’aventure spatiotemporelle, mais la question est : celle-ci va-t-elle merder aussi grave que Barry Allen ? Et la réponse est : presque. le gars perd son superpouvoir dans le processus. Dur. Ignorons le fait qu’on nous a déjà fait cent cinquante fois le coup du superhéros forcé à s’en sortir sans privilège magique – peut-être est-ce mieux amené dans le comic, rien à secouer. Non, plus problématique est qu’en même temps, un AUTRE Barry Allen acquiert lesdits pouvoirs : celui du passé. Ce qui signifie… DEUX Barry Allen joués par Ezra Miller. Oui, l’acteur est impeccable dans le rôle… mais The Flash a exigé davantage de lui. Tout en ce monde est affaire de dosage, et le dosage est primordial, avec un comédien fantasque, dans un rôle haut en couleurs. Sans compter que tout le talent du monde ne sait mettre à l’abri d’un scénario de merde. Entre les mains de Joss Whedon, Justice League avait montré combien l’overdose de Flash est aisée à atteindre, et Snyder avait montré how it’s done avec sa Snyder cut. Deux Ezra Miller/Barry Allen ne pouvaient fonctionner QUE si Muschietti et sa scénariste, Christina Hodson, à qui l’on devait déjà le calamiteux Birds of Prey entre autres scénario pourris, n’étaient PAS à la ramasse… or ils l’ont été. La direction d’acteurs est chaotique… les dialogues souvent médiocres… aussi Barry #2, que Miller joue comme un adolescent hystérique, atteint-il très vite les frontières de l’exaspérant. Barry #1 lui reprochera même de parler bieeeeen trop souvent, comme si la scénariste avait voulu s’excuser d’avance…
Le pire, pour revenir à la perte du pouvoir, est que ça n’en vaut même pas la chandelle : Hodson a apparemment cru que la juxtaposition de Barry #2 découvrant le pouvoir du Flash, chose qu’on n’a certes jamais vu avec Ezra Miller dans le rôle, et de Barry #1 blasé par la vie, donnerait quelque chose de fascinant… mais pour cela, il aurait fallu qu’elle évite de plomber son récit d’un gag toutes les trois lignes. On réalise durant cette partie qu’en terme de tonalité, The Flash est foutu d’avance : le DCEU des années 2010, traumatisé ET par le sombre héritage de Snyder, que la Warner veut clairement ranger dans un tiroir, ET par le succès du MCU, aura jusqu’au bout singé ce dernier, ici dans son fameux surdosage humoristique. L’air est tristement connu : avec son trait d’humour foireux par seconde, The Flash flingue dans l’œuf 90% de ses moments dotés d’un tant soit peu de potentiel dramatique. Tout ça pour rien. Façon de l’univers de rappeler aux studios qu’ils devraient laisser l’écriture de leurs comédies superhéroïques à James Gunn (Les Gardiens de la galaxie pour Marvel, The Suicide Squad pour DC, what else ?), peut-être.
Quand on a ce qu’on attendait…
Le récit finit heureusement – enfin, après trois-quarts d’heure d’attente quand même – par nous conduire à ce qu’attendait tout le monde : Michael Keaton en Batman. Vous trouviez que Spider-Man : No Way Home en faisait des tonnes dans le fan service avec ses multiples résurrections de méchants cultes ? D’une certaine façon, The Flash en fait encore plus. Ce n’est pas une grande surprise : la performance de l’acteur et ses apparitions plus ou moins chocs dans son costume de 1989, arguments de vente premiers du film, s’imposent tels quels, d’autant plus que Keaton, contrairement à Miller, n’est pas plombé par la blagounette minute susmentionnée. Comme le rappelait Birdman en 2014, il a les yeux et la voix faits pour ce type de rôle… la Warner a foiré son coup en remerciant Burton après Batman Returns. Enfin, le gars est cool, cool au point de faire passer la périlleuse scène d’explication du multivers avec un plat de spaghettis. Pour la génération Y, à quelques honteuses exceptions, c’est lui, Bruce Wayne. Et ses gadgets actualisés sont une précieuse source de réjouissances, lorsqu’on se tape le film.
La participation de Bruce Wayne conduit assez vite à l’AUTRE argument de vente bien mis en avant sur les affiches : Kara Zor-El. Là aussi, quelque chose de convaincant se produit. Peu importe qu’elle ne ressemble pas à la Supergirl classique contrairement à l’insipide blonde de la série éponyme de CBS… qu’il est préférable d’éviter comme la peste bubonique : la très charismatique Sasha Calle porte dans son regard grave la tragédie d’un personnage dont on veut savoir plus, qu’elle soit en costume ou pas, et quand elle EST dans son costume, dont la part accentuée de rouge renforce son effet dramatique, force est de reconnaître qu’elle en jette, comme disent les jeunes. La scène où elle sauve Barry sous une pluie battante est un des rares moments véritablement forts du film en matière de mise en scène et d’esthétique. Je ne suis pas lesbienne, mais comprendrais totalement qu’elle devienne une icône.