Comme un hommage au cinéma muet expressionniste, Wes Anderson a filmé quasi-intégralement en plans fixes, évacuant au maximum tout mouvement de caméra. Une succession de tableaux léchés se présente à nous dans une grande cohérence géométrique. Mais cela confère malheureusement un rythme poussif à l’ensemble, du à l’absence de variations dans la confection.
Chaque plan se divise en deux parties symétriques que la caméra filme toujours frontalement. Le rythme doit donc entièrement émaner du cadre puisque le montage ne peut en imprimer le moindre en faisant se succéder ces plans rigoureusement identiques.
L’on s’en trouve un peu perplexe et l’ennui s’installe sur la durée devant cet objet redondant, trop sculpté et artificiel.
Le scénario, d’apparence loufoque, suit cette même logique et ne s’écarte jamais du plan de route minutieusement concocté par son auteur.
On voit venir les rebondissements à des kilomètres et ils ne surprendront que les plus indulgents.
Le récit en pôle narrateur « unreliable », littéralement auquel on ne peut faire confiance, se contente de travestir la vérité sans pour autant jamais embrasser le style expressionniste. En réalité, très peu de films peuvent se revendiquer de cette fibre et les puristes considèrent « Le cabinet du Docteur Caligari » comme son seul représentant.
On pourrait identifier ces passages expressionnistes comme des intrusions irrationnelles perturbant la logique du récit, des cassures nettes du continuum spatio-temporel.
Le spectateur se retrouve désemparé en leur présence car il ne peut les passer au crible de la moindre grille d’interprétation.
Rien de tout ça dans l’œuvre d’Anderson.
Le statut de grosse production a surement du l’incliner à certains sacrifices qui en contrepartie, lui auront octroyé un casting de rêve. Pas toujours un idéal non plus, car certains acteurs de renom bâclent honteusement leurs rôles mineurs et cabotinent comme des bêtes.
Malgré cela, le film reste très fréquentable et s’impose facilement dans le haut du panier hollywoodien. Anderson se complaît juste trop dans la pure ornementation et aurait du consacrer une part de son énergie à gommer les multiples tares affaiblissant le tout. Dans ces conditions, l’œuvre se serait inscrite durablement parmi les grands classiques et non comme un divertissement honnête de plus.