Pour ceux qui doutent de la capacité du cinéma américain à se renouveler, le nouveau bijou de Wes Anderson est une implacable preuve qu’il existe encore de gens qui ont de la suite dans les idées.

Dans les années 1960, le propriétaire d’un hôtel jadis prestigieux raconte ses débuts en tant que groom au côté du très respecté Monsieur Gustave. Le testament d’une des plus fidèles clientes conduit les deux hommes à s’attirer les foudres de la famille qu’il va falloir éviter à tout prix, sous peine de finir avec du plomb dans la tête.

Si je devais faire un film en m’inspirant d’un réalisateur, il est fort probable que je choisirais Wes Anderson. Il réussit toujours à développer son univers visuel si particulier sans pour autant s’adresser à un public averti. Ses images parlent à tous et restent ancrées dans les mémoires. The Grand Budapest Hotel ne dénote pas à la règle puisqu’on retrouve cette science de la mise en scène plus maitrisée que jamais. Loin d’être un adepte de Pythagore, j’aime cette perfection géométrique presque maladive visible dans chaque plan où tout est placé comme il faut, le tout embelli de couleurs pétantes. Anderson a pu se régaler puisque la majorité de The Grand Budapest Hotel est filmé avec un format très proche du 4:3 qui attire invariablement notre regard vers le centre de l’image. Comme l’action se passe durant les années 1930, les effets de style pour rendre au film un côté désuet sont nombreux. Je pense notamment aux scènes accélérées lors d’une poursuite à ski ou à tous les plans lointains sur un décor qui semble découpé dans du carton. Le fait d’avoir choisit l’Europe Centrale comme lieu est un choix judicieux qui colle parfaitement à l’imaginaire qu’a créé ce cher Wes Anderson.

La perfection visuelle n’est pas le seul argument en faveur du film puisque côté casting, c’est une régalade mémorable ! Attention il faut retenir sa respiration (et son excitation): Bill Murray, Matthieu Amalric, Léa Seydou, Jeff Goldblum, Adrien Brody, Harvey Keitel, Edward Norton, Jude Law, Tilda Swindon (toujours la reine du déguisement) ou encore Owen Wilson rien que pour les seconds couteux. Franchement, je n’ai jamais vu une distribution si dingue dans ce qui n’est en plus pas un blockbuster. Les Expendables peuvent aller se recoucher car en plus d’être des bêtes de charisme, ce sont d’immenses acteurs. La preuve que Wes Anderson a quelque chose de plus pour les attirer ! Dans tout ca, il faut rajouter Willem Dafoe dans le rôle d’un tueur au visage vampirique. Avec sa moto et ses 8 bagouzes en tête de mort, il part trouver ses victimes pour les faire taire à jamais. Un méchant déjà culte par ses mimiques et son blouson de cuir à l’étonnante poche secrète. Ralph Fiennes est au poil pour son personnage de maitre d’hôtel grâce à son légendaire flegme, il enchaine les situations parfois ubuesque avec une stature de gentleman. Parmi cette brochette de rêve (même mieux qu’un rêve), la révélation est Toni Revolori. Le petit gars est génial de bout en bout, à nous donner envie de devenir "lobby boy" ! Nul doute qu’il va falloir le surveiller de près à l’avenir.

Mais comme l’habit fait le moine (débat ancestral), il faut mettre en avant le look flamboyant des personnages qui fait qu’aucun ne ressemble à l’autre. C’est hallucinant de voir à quel point les personnages vont de pair avec l’interprète ! La finesse (la Fiennes (mouahah)) des dialogues est croustillante, sans oublier la BO envoutante du fort convoité Alexandre Desplat aux accents transylvaniens. Qui a dit que les français étaient has been ?

Et quand même, un mot sur l’histoire. On fera rapidement le parallèle avec l’arrivée nazisme à la fin des années 30 mais la frontière entre réalité et imaginaire reste floue, ce qui contribue à l’atmosphère si particulière du film. Pour le reste, les pérégrinations des hôteliers nous emmènent avec légèreté aux quatre coins du pays sans nous faire subir quelconque longueur.

A tous points de vue, le dernier film du faux sosie de Cédric Villani est une leçon de cinéma. Tantôt subjugué par la mise en scène et les républiques succulentes, tantôt béat par le casting et les personnages, il ne manque finalement rien à The Grand Budapest Hotel pour en faire un chef d’œuvre. La suite royale s’il vous plait !
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le 28 févr. 2014

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