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(Attention spoilers) J’avais de grandes espérances et appréhensions au l’aube de voir The Green Knight de Lowery. De grandes espérances car ces dernières années du cinéma américain m’avait laissé sur ma faim en matière d’aventure et de mythe privilégiant une voie post-moderniste qui a bien trop peur du spectateur qui connaît à présent trop bien les codes et qui n’ose pas par crainte d’être kitsch ne serait-ce qu’une seconde. Trop de films ces dernières années détruisent bien trop vite leur mystère,leur mythologie et ne croient plus en leurs histoires. Avec ce nouveau film piloté par Lowery, qui avait montré de belles choses auparavant, j’espérais un film qui même si il manipulait ou déconstruisait son mythe, se permettait d’y croire aussi.


Des appréhensions car le projet porté par un A24 avait aussi la possibilité d’être un joli pétard mouillé et un film de petit malin plus poseur qu’intéressant.


Quid donc au final ?


Bien évidemment Lowery ne répondra aux attentes des spectateurs en manque de grande fresque épique chevalière de l’âge d’or d’Hollywood. Le récit mythologique est manipulé et déconstruit mais pas question de ne pas le prendre au sérieux pour autant, pour ma plus grande joie. Loin des classiques du genre Lowery s’attaque à son histoire de manière purement sensitive en écartant la littérarité pour nous raconter un conte d’une manière différente. Pas d’explications sur ce qui nous attend pas d’introduction des personnages mythologiques composant l’histoire (Arthur ne sera même pas nommé), seulement une courte introduction en guise d’avertissement en début de film.


Scénaristiquement tout est flottement et mystère, les événements surnaturels du contes s’enchaînent sans explications (ce qui fait partie de la nature même des contes) et au premier degré sans peur du kitsch (les personnages ne sont jamais surpris de la présence du surnaturel). Lowery aborde toutes ses séquences de manière purement sensitive en utilisant tout son arsenal : une omniprésence (malheureusement?) de la musique très occulte, avec ses nombreux cœurs, un design sonore travaillé et immersif, une caméra mouvante se permettant de faire des travellings à 360° en courte focale, la présence d’image mentales,... Tout est travaillé ici pour que le conte se raconte avant tout à travers les outils cinématographiques et le ressentiment et non à travers la parole. Lowery écarte les mots des contes que nous ne connaissons que trop bien pour nous refaire croire à cette histoire par le biais sensitif. J’ai eu l’impression devant le film de retrouver les sensations que je ressentais enfant lorsque l’on me lisait un conte. Une sensation de mystère planant, d’incompréhension remplie d’admiration. Un retour aux sources autant qu’un renouvellement en fin de conte. Notre sentiment d’immersion est aussi renforcé par la direction artistique et les composition de plans magnifiques, enfin digne des légendes Arthuriennes. Il y a encore une fois, une véritable création d’univers à travers l’image cinéma (et le son) et non pas par les mots. Mais l’intérêt de The Green Knight ne se résout pas à cette approche du conte de chevalier. Il est également réellement touchant grâce à une vraie appropriation thématique.


Lowery va en effet complètement s’approprier la thématique de la mort au sein du conte d’origine et la développer tout en déconstruisant le mythe du chevalier. Le thème mortuaire est présent partout tout au long du film : dans le défi de lancé par le chevalier vert, dans le personnage du Roi, qui, se sentant vieillir, tente de se rapprocher de ses proches avant qu’il ne soit trop tard, dans le débat sur la couleur verte du chevalier qui est assimilée à l’herbe qui repousse sur nos cadavres et au cycle de la vie, dans l’esprit de cette jeune femme qui cherche sa tête, dans les visions de Gauvain de sa propre mort,…


Dans cette thématique de la mort vient s’implanter la question chevaleresque de l’honneur, thématique centrale de tout bon récit du genre et souvent présenté comme une valeur positive (un bon chevalier est un chevalier d’honneur). Lowery va aborder cette question de l'honneur d'une façon différente : Cet honneur recherché n'est-t-il pas tout simplement la recherche d'un moyen d'éviter la mort ? Car à travers sa quête d’honneur, Gauvain veut tout simplement échapper au destin de tout Homme, et espère survivre à travers le temps par les histoires que l'on pourrait raconter de lui. Quelle ironie ainsi de se retrouver face à son destin mortuaire en voulant justement montrer son courage honorifique. Mais tel Antonius Block dans le Septième Sceau Gauvain lui aussi va évoluer dans son rapport à sa mortalité au long de son périple jusqu’à son duel.


Lowery va d’ailleurs plus insister que le conte sur la thématique mortuaire de la fin. Là où dans le conte Gauvain recevait une leçon de morale concernant les tentations sexuelles (c’est présent également dans le film) avec la femme du Lord. Ici l’épreuve de Gauvain est d’accepter sa propre mort plutôt que de vivre en la craignant. Il voit cette hypothétique vie dans un faux flash-forward apocalyptique où le jeune chevalier mène une vie à la conquête de richesse et de gloire mais qui se finit en cauchemar. Le jeune chevalier finit par réussir l'épreuve du chevalier vert en enlevant l'écharpe qui le protège de n'importe quel coup et en acceptant son destin. Ici tout l'honneur que possède Gauvain est celui d'accepter de mourir plutôt que de mener une vie où il ne recherchait plus qu'a échapper jusqu'à ne plus s'intéresser à la vie.


Tout en déconstruisant une partie du mythe chevaleresque Lowery nous invite donc à tenter d’accepter nôtre mort et de se concentrer plutôt sur ce que l’on peut faire : s’occuper au mieux de notre vie. On n’est de nouveau pas si loin du Septième Sceauà nouveau. Essel le dira d’ailleurs à Gauvain « L’honneur ? La gentillesse n’est-elle déjà pas assez ? ». On retrouve aussi cette idée dans le personnages du Roi qui semble vouloir rattraper son ignorance à propos de ses proches. Une ignorance due à des années de conquête derrière la gloire. Dans The Green Knight, les chevaliers légendaires de notre enfance sont remis au statuts d’hommes conscients et effrayés de leur fin, bien loin des canons classiques du genre des chevaliers virils sans peur et sans reproches. Ils sont vieux, peureux, éjaculateur précoces,… On pourrait presque lire dans la peur de mourir des personnages un discours méta de ces légendes qui auraient peur que leur histoires ne soient plus racontées.


Au final derrière des allures d'un film qu’on pouvait attendre très conceptuel, Lowery livre une œuvre à la mise en en scène sensitive et émotive tout en amenant un regard neuf sur ces légendes de la table ronde. A travers une direction artistique juste splendide et des compositions de plans dignes des plus belles peintures celtiques le cinéaste nous emmène tel un bon conteur dans une aventure mystérieuse et envoûtante face à nos propres peurs, nous permettant de croire à nouveau aux contes tout en nous émouvant.

MatheVert
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le 17 août 2021

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