Bong Joon-Ho est très fort. En quelques plans il nous rend ses personnages immédiatement attachants, chose souvent assez difficile dans les films catastrophes (Godzilla -version 2014-, tu dégage de ma vue). Peut-être parce que ce n'est pas vraiment un film catastrophe. C'est quoi alors ? Un thriller ? Un film d'aventures ? Un drame ? La dernière option est peut-être celle qui se rapproche le plus du film. Ici la famille que l'on suit ne sert pas à mettre le monstre en valeur en servant de témoin (je t'ai dis de te barrer Godzilla), c'est le vrai sujet du film. On les suit dans leur traque du monstre et dans leurs problèmes familiaux, ils représentent divers clichés de la société coréenne (le diplômé sans emploi, le fainéant sans avenir, la championne sans reconnaissance, le vieux bosseur sans argent) et ont un background qui est bien amené. On nous laisse d'ailleurs des trous dans le passé de certains que l'on peut compléter de nous même.


Le monstre a un design quelconque, ce sont surtout les fonds verts trop voyants et les effets pyrotechniques complètement loupés qui se montrent embarrassants. Mais la 1ère attaque du monstre est pour moi un grand moment de cinéma. D'abord parce que cette bestiole est d'une taille suffisamment réduite pour rester crédible : on se sent réellement menacé car elle est à une échelle semblable à celle des humains, assez gros pour être imposant mais pas assez pour qu'on puisse échapper à son regard. Quand on a un monstre géant qui détruit des buildings par paquets de 12 on le prend moins au sérieux car c'est surréaliste (GODZILLAAAAAAAAA ! VIENS ICI QUE JE TE BUTE ENCULÉ !). Alors qu'un monstre de la taille d'une (grosse) camionnette qui fonce sur un groupe d'humains à quelques pas de Song Kang-Ho avec une musique stressante mais discrète, ça nous immerge plus facilement. Et quand on constate très clairement que Song Kang-Ho n'incarne pas un surhomme et qu'il a la TROUILLE, le voir tenter de s'opposer au monstre avec ce qu'il trouve est franchement intense. C'est du vrai courage, c'est un vrai danger.


Passé cette scène, on poursuit avec une description de la situation en Corée du Sud qui fonctionne très bien. Le film est bourré d'humour parfois second degré, ce qui est souvent perturbant. Des scènes finissent par tomber dans le ridicule, un choix curieux que j'ai du mal à expliquer, si ce n'est que ça permet de casser le pathos. Viennent ensuite diverses tribulations qui critiquent bien méchamment les autorités. Entre paranoïa et absurdités administratives, le film se sert de son monstre pour pointer du doigt son pays, et pas l'inverse. Nous avons de chouettes scènes tantôt prenantes, tantôt amusantes (ce pastiche d'alien !).


Le tout est servi par une image très soignée, à condition de ne pas être allergique au verdâtre. Les musiques sont magnifiques et le monstre est bien traité. Pas de scientifique qui nous sort de nulle part une explication au comportement du monstre (t'es encore là toi ?), on comprend de nous même (sinon le réalisateur fournit également des éclaircissements dans les bonus du DVD). Il a également le mérite de ne pas être montré comme un méchant ni comme un gentil incompris, c'est juste une bête qui veut casser la croûte. Il arrive même presque à se montrer touchant par moments, sans véritable raison.


Le film réussit haut la main à se faire remarquer des autres productions avec des gros monstres. En s'intéressant aux humains plus qu'à des séries de destruction massive, le réalisateur nous emmène dans une histoire mouvementée, drôle et haletante. Le monstre est bien exploité sans être l'unique attraction du film. Je ne me suis pas ennuyé un seul instant et je le regarde toujours avec le plus grand plaisir.

thetchaff
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films coréens

Créée

le 23 sept. 2014

Critique lue 437 fois

1 j'aime

thetchaff

Écrit par

Critique lue 437 fois

1

D'autres avis sur The Host

The Host
Gaor
9

Probablement le meilleur film de 2006

Fusion improbable et quasi parfaite de l'entertainment et du film politique, à niveaux de lecture multiples. Bong Joon-ho, ça commence à le gaver d'avoir les ricains sur le dos depuis plus de...

Par

le 19 mai 2010

102 j'aime

13

The Host
zombiraptor
8

La princesse et la grenouille

J'aimerais d'emblée mettre de côté toute décortication de sous-intrigue relationnelle, de complexité sociale ou autre discours politico-revendicateur élaboré qu'ont souvent besoin d'évoquer certains...

le 22 sept. 2014

78 j'aime

31

The Host
Before-Sunrise
9

Tuons la mère ! [attention spoiler alert]

Une famille de grands cinglés mène une vie un peu décousue sur les bords du fleuve Han à Séoul. Il y a le grand-père qui tente de faire tourner sa boutique, sorte de snack miteux où grillent des...

le 6 juil. 2011

62 j'aime

20

Du même critique

Seven Sisters
thetchaff
5

On aurait dû faire un calendrier à 5 jours

Des mini-divulgâcheurs se sont glissés dans cette critique en se faisant passer pour des lignes normales. Mais ils sont petits, les plus tolérants pourront les supporter. Seven Sisters est l'exemple...

le 2 sept. 2017

95 j'aime

9

Matrix Resurrections
thetchaff
6

Méta rixe

Cette critique s'adresse à ceux qui ont vu le film, elle est tellement remplie de spoilers que même Neo ne pourrait pas les esquiver.On nous prévenait : le prochain Matrix ne devrait pas être pris...

le 27 déc. 2021

73 j'aime

3

Zack Snyder's Justice League
thetchaff
6

The Darkseid of the Moon

Vous qui avez suivi peut-être malgré vous le feuilleton du Snyder Cut, vous n'avez sans doute pas besoin que l'on vous rappelle le contexte mais impossible de ne pas en toucher deux mots. Une telle...

le 19 mars 2021

63 j'aime

4