Il serait tentant dans un premier temps d'associer au cinéma scandinave les adjectifs d'un cinéma dépouillé, réduit à sa plus simple expression dont l'apparente froideur serait un écho à la météo dont la rigueur pousserait à envisager le monde, fusse t'il fictionnel que sous le prisme d'un minimalisme radical, on pourrait cela dit multiplier les exemples qui contredisent cette première impression, mais dans le cas qui nous intéresse ici, l'on peut difficilement ne pas adosser au film de Eskil VOGT ces attendus formels.
Tout comme l'immense "Morse" revisitait avec maestria la figure du vampire, "The innocents" déroule une relecture inédite de l'enfant doté de pouvoirs surnaturels et de l'enfant comme source d'un mal aussi abstrait à concevoir que brutal à expérimenter, quelque part entre le tragique volontiers sadique et provocateur d'un "Carrie", l'angoissant et funeste "Village des damnés" et le troublant bien que solaire "les révoltés de l'an 2000". Toutefois l'exercice ici se heurte à deux écueils qui nuisent à l'appréciation globale de la proposition, aussi iconoclaste et inédite qu'elle soit.
Dans une cité en pleine torpeur estivale, quatre enfants prennent conscience des pouvoirs extraordinaires dont ils sont dotés, exclusivement des aptitudes de télékinésie et de télépathie, que dans un premier temps, celui de l'apprentissage, ils testeront loin du regard des adultes, dans leurs jeux et dans leur rapport aux autres, mais qui rapidement mettront au jour des dissensions majeures au sein même du petit groupe. De ces divergences d'approche sur ce que permettent ces pouvoirs trop puissants pour des êtres encore frappés du sceau de l'innocence, naîtra une opposition qui finalement empruntera d'avantage aux notions du bien et du mal similaires aux dogmes religieux qu'à une réelle prise de conscience des responsabilités induites.
Les jeunes acteurs me sont parus brillants, parvenant avec une finesse d'interprétation notable à jouer sur ces paradoxes, d'une tendance naturelle à tester les limites du supportable et d'une approche puérile du mal consécutif de leurs actes, la petite qui incarne la jeune autiste est particulièrement impressionnante mais c'est le personnage de Benjamin qui pour moi sort du lot, sans nul doute le plus ambigüe et le plus problématique des quatre, il est clairement celui le plus en souffrance et sa souffrance le pousse à user de ses pouvoirs comme d'une arme vengeresse, qui finira par l'isoler totalement de son cercle mais aussi d'une forme d'humanité, de le couper de toute forme d'empathie malgré la présence de scènes qui tendent à prouver qu'il est dépassé par les événements et plus une victime collatérale.
Ma notation a d'ailleurs longtemps hésité, et c'est là que j'évoque les deux écueils mentionnés plus haut, assez vite à cause de longueurs dans une narration qui s'étire dans des redites qui alourdissent l'ensemble et auraient méritées plus de circoncision dans un scénario dont le dépouillement suffisait, l'étoile supplémentaire ne pouvait être donnée, c'est dans le traitement de Benjamin que j'ai eu du mal à décider s'il s'agissait d'une approche réactionnaire, voire raciste du mal incarné par l'enfant issu de l'immigration ou d'une maladresse innocente, elle aussi, de la part du réalisateur dont on peine à distinguer un point de vue sur la question. J'ai décidé de lui laisser le bénéfice du doute mais à cause de cette ambiguïté morale qu'encore une fois j'espère être le résultat d'une maladresse et pas un propos réfléchi et voulu j'ai longtemps noté le film de façon plus sévère.
A découvrir néanmoins.