À Paris, un tueur à gages méticuleux s’apprête à exécuter un énième contrat. Il lui arrive cependant quelque chose d’inoui : il rate sa cible ! Grande première. De retour chez lui en République Dominicaine, il découvre que sa femme a été victime d’une terrible agression. Le tueur se lance alors à la poursuite des responsables, à commencer par son « employeur », un avocat basé à la Nouvelle-Orléans…
Déjà, il faut commencer par dire que The Killer est très agréable à suivre. Moi j'ai déjà l'air d'un lapin pris dans les phares quand je dois prendre le métro gare de Lyon, mais le tueur incarné par Fassbender, lui, se meut à travers les infrastructures du monde moderne comme un vrai ninja, déjouant les sécurités, enchaînant les faux passeports et les voitures de location, traquant et éliminant ses proies aux quatre coins du monde... Le type trouve même des ruses très habiles pour arriver à ses fins (comme se faire passer pour un éboueur afin d'entrer dans un gratte-ciel ultra sécurisé), et j'avoue qu'il y a un côté satisfaisant là-dedans : ça a l'air tellement facile ! On regarde ça comme une vidéo en accéléré d'un mec qui fait un superbe meuble laqué à partir d'un tronc d'arbre.
Il faut ajouter que chaque traque a sa propre ambiance : ambiance créatine-pitbull-transpi en Floride, restau chic par une soirée d'hiver à New-York, architecture corporate épurée à Chicago... Cela se ressent aussi dans la manière dont le tueur élimine ses cibles. Ces variations donnent au film un côté un peu Kill Bill. Malheureusement, la comparaison s'arrête là. La forme du film est impeccable (réalisation stylisée et propre), même si elle ne donnera jamais une scène aussi mémorable que celle de la Mariée face à O-Ren Ishii et que la bande-son, plus adaptée à un film d'horreur qu'à un thriller, en fait parfois un peu trop.
C'est plutôt sur le fond qu’on est un peu déçu. Au fond, The Killer ne raconte pas grand-chose. On a bien quelques monologues, aussi incisifs que leur auteur, révélant la vision du monde cynique et nihiliste de ce personnage méthodique et froid se voulant psychopathe... C'est déjà difficile de s'attacher à un personnage pareil, qui qui n'a ni le charme d'Hannibal Lecter ni le côté un peu fantasque d'un Dexter, mais c'est surtout qu'à aucun moment, on ne le sent en danger. Une société de tueurs à gages qui envoient « seulement » tes proches à l'hôpital, ce sont des employeurs sympas... Même son commanditaire ne voulait pas le tuer, au départ ! En fait, c'est plutôt lui le méchant du film, et on se prend plutôt de sympathie pour les deux pauvres gus qui ont eu le malheur d'aller le chercher dans sa villa en République Dominicaine...
Au fond, ce The Killer est un peu comme son personnage principal : précis, soigné et classe, sans fausse note, mais aussi creux, sans substance, presque éthéré. À la limite, s’il avait renoncé à son scénario pour faire quelque chose de purement contemplatif, il aurait pu être un genre en soi. En tout cas, il prouve que David Fincher n’a pas perdu la main. Même si le bonhomme n’est clairement plus au top de sa forme, il sait toujours manier une caméra et choisir ses acteurs (mention spéciale à Tilda Swinton). Dommage que le scénario ne les laisse pas plus libres de s’exprimer. Un bon film, mais qui laisse un petit goût d’inachevé, de « c’est bien mais ça aurait pu être beaucoup mieux ».