Le premier quart d'heure de There will be blood, précédent film de Paul Thomas Anderson était sidérant de puissance et de maîtrise. Le premier quart d'heure de The master ne l'est pas. Tout comme le film tout entier.

La maîtrise de Paul Thomas Anderson, justement... où est-elle ? Il a tourné en 70 mm, où sont-ils ? Dans les champs contrechamps ? Quelques jolis plans, quelques beaux mouvements de caméra, mais n'est-ce pas la moindre des choses ? Notons cependant une très belle BO. Jonny Greenwood introduit de la dissonance là où il n'y en a pas, et c'est bien.

Imaginez une longue planche inclinée à 15°. Elle est lisse, presque savonneuse, brillante. Imaginez qu'on vous allonge tout en haut de cette planche, puis qu'on vous lâche. Vous atteindrez le bas en 2 heures 17. Durant la glissade, vous n'aurez aucune occasion de vous rattraper à quoi que ce soit. Pas de relief, pas le moindre accroc ni nœud dans le bois, rien. Vous dévalerez la pente lentement, sans issue possible. The master, c'est ça : un film immensément lisse, interminable, sans la moindre aspérité. Avec votre ennui poli pour seule compagnie, vous tenterez en vain de vous intéresser à ce qui se passe, y arriverez vaguement quelquefois (la première "séance" de Freddie, la contradiction portée contre le "maître", la prison), mais ne vous départirez jamais d'un sentiment de grande lassitude, face à ce qui vous semblera bien vite soit incompréhensible, soit vain, soit les deux.

Que le film nous raconte les débuts de la scientologie ou pas, on s'en contrefiche. On ne sait simplement pas où il veut nous emmener, ni même ce qu'il veut nous dire. Les deux personnages principaux, le fêlé déclaré et le fêlé honteux, ne nous intéressent pas davantage l'un que l'autre. Rien n'est fait pour que naisse en nous le moindre sentiment d'empathie. Les autres personnages sont quant à eux tellement en marge qu'on n'y prête même pas attention.

Joaquin Phoenix joue. Il joue à chaque plan. On ne voit que ça : son jeu, sa fabrication, son contrôle. On ne sait pas s'il s'est inspiré de Peter Falk, mais on a constamment l'impression de regarder un épisode de Colombo. C'est là sans doute une performance à Oscar, mais c'est surtout une telle absence d'interprétation qu'on ne peut raisonnablement pas trouver ça génial. Même dans Rain man, Dustin Hoffman en faisait moins, c'est dire. Philip Seymour Hoffman, lui, est très bon. Imposant, posant sa voix, jouant sans que ça se voit, c'est lui le vrai comédien du film. Un bon point également pour Amy Adams.

En conclusion, on pourra, une fois de plus, se questionner sur l'unanimité des critiques, devant ce qui s'apparente sans conteste à une supercherie...
pierreAfeu
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le 12 janv. 2013

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pierreAfeu

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